De janvier à décembre, pas une semaine ne s’est passée sans que l’hôpital ne vive un épisode aigu sur la question du temps de travail des personnels non médicaux, des praticiens hospitaliers ou des internes.
Chaque soubresaut fut significatif de la tension extrême dans lequel se déroule aujourd’hui toute réforme du temps de travail à l’hôpital, spécialement quand l’exécutif réclame dans le même temps trois milliards d’euros d’économies en trois ans.
Hôpitaux parisiens : sept grèves et un squat
Martin Hirsch en sait quelque chose. Fin octobre, le directeur général de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) a obtenu à l’arraché l’accord d’un seul syndicat de personnels sur sept (la CFDT, qui représente 15 % des voix) pour réformer l’organisation du temps de travail dans le premier CHU de France.
L’objectif est de toiletter les 35 heures, schéma appliqué depuis 2002, synonyme de cumul de RTT non prises, de manque de personnel et de recours à l’intérim. En France, 44 % des hôpitaux ont déjà renégocié leurs accords RTT, du moins en partie.
À l’AP-HP, le protocole d’accord négocié vise à introduire davantage de flexibilité dans les plannings des 75 000 agents non médicaux et à supprimer plusieurs jours de RTT et de congés. Pour obtenir cette signature, Martin Hirsch a dû revoir sa copie, sa méthode et son calendrier. L’AP-HP a subi pas moins de sept journées de grève et de mobilisation de plusieurs milliers de personnels en colère entre mai – date d’ouverture des discussions – et décembre.
Exaspérée, l’intersyndicale contestataire (CGT, SUD, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA) n’a pas hésité à « squatter » pendant 48 heures la maison mère, Avenue Victoria, pour réclamer le retrait du projet, qui devait s’appliquer au 1er janvier 2016.
Dernier coup de théâtre, l’expertise de la réforme réclamée le 30 novembre par le CHSCT (instance représentative des personnels) a repoussé sa mise en œuvre de 45 jours maximum. Les personnels vont poursuivre « la mobilisation et la lutte » en 2016.
Urgences : 39 heures pour le travail posté
Sur ce même dossier explosif du temps de travail, un autre accord a secoué le monde hospitalier en 2015, au point de créer des tensions entre spécialités médicales.
Le 1er juillet, le décompte horaire est devenu la norme pour les urgentistes. Obtenue par l’AMUF après une grève éclair fin 2014, cette réforme limite à 39 heures le temps posté auprès du patient et sanctuarise un temps forfaitisé pour les activités non cliniques, dans le respect des 48 heures hebdomadaires maximum. Elle autorise heures supplémentaires payées et récupérations.
La mise en place de cet accord avantageux a ouvert une brèche et l’effet de contagion a été immédiat (anesthésistes, obstétriciens...). Usés par la pénibilité du travail et en manque de reconnaissance, deux tiers des médecins hospitaliers ont à cœur de changer la réglementation de leur temps de travail.
Le sujet divise mais les centrales syndicales s’accordent à dire qu’un aggiornamento du temps de travail à l’hôpital serait source d’attractivité pour les jeunes. C’était l’un des enjeux de la mission Le Menn (lire ci-dessous) avant que Marisol Touraine n’évacue la question.
48 heures, sur le papier...
Comme l’accord urgentistes, celui sur le temps de travail des internes a jeté le trouble au sein même de la profession (entre spécialités mais aussi entre générations). Effective depuis le 1er mai, la réforme encadre le temps de travail des internes à 48 heures hebdomadaires, conformément à la législation européenne. Elle permet de consacrer l’équivalent d’une journée de travail à la formation théorique (les obligations de service passent de 11 à 10 demi-journées par semaine).
Mais la réforme se révèle très compliquée à appliquer dans les hôpitaux (organisation des services, permanence des soins), certaines directions se montrant récalcitrantes. Et contrairement aux internes de médecine générale, 83 % des étudiants de spécialité médicale ou chirurgicale se montrent hostiles à l’application stricte de cette réglementation (selon un sondage du syndicat des internes des hôpitaux de Paris).
Appelés en renfort dans les services faute d’internes, les PH seniors ne sont pas forcément satisfaits de ce changement de tempo.
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne