IL Y A DIX ANS, la France réduisait de 39 à 35 heures la durée légale du travail. Après tout ce temps, l’hôpital, qui a attendu deux petites années de plus pour se mettre aux « RTT » (officiellement le 1er janvier 2002), reste pour de nombreux commentateurs « la » référence d’une réduction du temps de travail… complètement ratée.
• Des détracteurs de poids dans tous les camps.
Aux manettes à Matignon lors du passage aux 35 heures, Lionel Jospin répète depuis qu’il n’est plus aux affaires que le versant hospitalier de cette réforme constitue son seul « regret » de Premier ministre – il l’écrit même noir sur blanc dans son dernier livre « Lionel raconte Jospin », précisant que l’opération aurait gagné à être étalée dans le temps. Sur TF1 il y a dix jours, le président de la République, Nicolas Sarkozy, a redit face à une infirmière tout le mal qu’il pensait des 35 heures à l’hôpital, responsables selon lui de nombre des dysfonctionnements actuels de l’institution.
Récemment, le secrétaire général de la CFDT, François Chérèque a lui aussi planté sa banderille, dénonçant, à propos de la mise en uvre de l’« ARTT » à l’hôpital « une approche court-termiste au seul service d’un message politique » – rappelons que,patron à l’époque de la fédération santé de la CFDT, François Chérèque fut le seul responsable syndical à signer avec le gouvernement l’accord 35 heures de la fonction publique hospitalière.
• Emplois du temps sous pression.
Pour compenser les RTT, le gouvernement a créé progressivement 45 000 emplois (37 000 dans le secteur sanitaire – 3 500 pour les seuls PH, 8 000 dans le médico-social). Pas assez, disaient les hospitaliers dès 2002. Martine Aubry a parallèlement plaidé pour une réorganisation interne de l’hôpital qui, bien souvent, est restée lettre morte. Et, estime le Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), les 35 heures ne sont pas arrivées dans un contexte neutre : « Elles sont venues booster des problèmes (de postes vacants, de fort turnover des équipes…) qui existaient auparavant. » Résultat, résume le président de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), le Dr Pierre Faraggi : « Les 35 heures ont mis sous pression les emplois du temps de tout le monde, les soignants sont devenus moins disponibles, les délais d’attente ont augmenté pour les patients. La tension a été immédiatement perceptible et des années plus tard, elle est toujours là. »
• Heures sup’ et CET : la facture continue de s’alourdir.
En 2004, Philippe Douste-Blazy avait fait une première fois les comptes : créations d’emplois et rachat de jours de RTT non pris confondus, la réduction du temps de travail à l’hôpital avait déjà coûté 3,3 milliards d’euros. Mais les compteurs ne se sont pas arrêtés là. Ont continué à alourdir la note : les heures sup’ (23 millions d’heures dues au 31 décembre 2007 !) et les comptes épargne temps (CET), sur lesquels personnels et médecins thésaurisent des jours plutôt que de les poser au fil de l’eau – 1,6 million de jours étaient ainsi stockés par les seuls médecins à la fin de 2008.
Il y a deux ans, le ministère de la Santé a choisi de « monétiser » partiellement ces CET, rachetant jusqu’à la moitié de leur épargne aux médecins et aux personnels. Au total, l’opération a coûté 700 millions d’euros mais si elle a géré le stock (ou du moins la moitié), elle ne s’est pas occupée du flux, ces jours que les hospitaliers continuent d’épargner et qu’ils sont susceptibles de solder en fin ou en cours de carrière, créant des « trous » et donc des « coûts » de mains d’uvre subits. « La roue de la fortune continue de tourner », s’alarme le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH), qui regrette en particulier que le ministère n’ait toujours pas fait le lien entre ces CET et la réforme de la retraite des PH (IRCANTEC).
Pour que le dossier « 35 heures » ne reste pas d’actualité dix ans de plus, le Dr Aubart ajoute qu’un bilan « du temps de travail disponible à l’hôpital » ne serait pas superflu : « Les statuts ont évolué, le nombre de médecins et de personnels n’est plus le même, les hospitaliers " juniors " ne travaillent pas comme les hospitaliers " seniors "… Il faut faire ce bilan si l’on veut vraiment connaître les aspects positifs et les aspects négatifs des 35 heures. »
• Médecine de ville/hôpital : un fossé élargi.
C’est un effet collatéral des 35 heures à l’hôpital. Voyant leurs confrères salariés réduire (à leur grande surprise, car les syndicats de PH n’étaient pas particulièrement revendicatifs sur ce point lors du vote de la loi Aubry) leur temps de travail et bénéficier de « RTT », les médecins de ville n’ont pu que constater que tel n’était pas leur cas (les études sur leur propre temps de travail. Les 35 heures de l’hôpital ont alors régulièrement été brandies comme argument par les libéraux quand il s’est agi de réviser les règles de la permanence des soins (PDS), de télétransmission…
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