Les sénateurs ont adopté jeudi la proposition de loi Rist visant à « améliorer le système de santé par la confiance et la simplification ». Le texte, qui avait déjà été allégé de 10 articles sur 37 lors de son passage en commission, a fait l'objet d'un vote sans conviction des élus du Palais du Luxembourg. Loin de faire l'unanimité, la PPL est passée notamment grâce à un soutien timide du groupe LR.
À droite, le sénateur LR du Vaucluse Alain Milon, a taclé un texte « disparate voire chétif » et qui « ne porte pas les ambitions que les soignants sont en droit d'attendre ». « Mais la commission avait deux options : rejeter en bloc le texte ou tenter de l'améliorer en profondeur. Elle a choisi la seconde », a-t-il justifié. À gauche, l'opposition dénonce à la fois une « loi fourre-tout » et « une tentative maladroite d'assembler mesures mal articulées et non évaluées ».
Cette proposition de loi, défendue par la députée LREM Stéphanie Rist, est présentée comme une traduction législative des mesures du Ségur « qui ne relèvent pas du domaine budgétaire ». Ainsi, elle couvre aussi bien les protocoles de coopération que les règles de recrutement des praticiens hospitaliers (PH) ou la lutte contre l'intérim médical.
Pratiques avancées chez les IADE
Sans surprise, la proposition phare de la députée Stéphanie Rist qui consistait en la création d'une profession médicale intermédiaire, pont entre l'infirmière à bac +3 et le médecin à bac +10, a été évacuée. À l'Assemblée nationale déjà, le tollé provoqué par cette mesure avait contraint les députés à revoir leur copie. Cette fois, l'article concerné a tout bonnement été supprimé.
Néanmoins, les sénateurs ont voté plusieurs amendements pour développer la délégation de tâches. Contre l'avis du gouvernement, feu vert a été donné aux pratiques avancées dans le corps des infirmières anesthésistes (IADE). Toujours sans l'accord d'Olivier Véran, le champ de compétences des sages-femmes a été élargi. Il est proposé de leur permettre de prescrire « selon une liste définie par arrêté, des dispositifs médicaux, médicaments et examens médicaux ». Enfin, plusieurs amendements visent à autoriser la vaccination, notamment contre le Covid-19, par les laboratoires d'analyses de biologie médicale et les pharmacies hospitalières à usage intérieur.
Droit au dépassement en ESPIC ?
Une autre disposition a été votée (et élargie) en séance, avec cette fois l'accord du gouvernement. L'amendement du sénateur LR de la Loire Bernard Bonne, complété par celui de son collègue LREM des Hauts-de-Seine Xavier Iacovelli, vise à permettre aux médecins salariés exerçant en établissement de santé privé d'intérêt collectif (ESPIC) de pratiquer des dépassements d'honoraires sur leur part d'activité libérale, dans la limite des dispositifs de maîtrise prévus par la convention médicale.
Les deux élus ont tenté ici de corriger une inégalité de traitement. Contrairement à ses confrères PH, un « praticien salarié (d'un ESPIC) ne peut exercer d'activité libérale que dans le cadre d'un contrat négocié avec l'établissement qui l'emploie, ce qui, d'une part, conditionne sa pratique à l'acquiescement de l'établissement et, d'autre part, limite considérablement sa capacité à demander des dépassements d'honoraires puisque ces derniers lui sont directement versés sur le budget de l'établissement », justifie l'exposé des motifs. Avec ce paradoxe : l’exercice de l’activité libérale est plus aisé pour le praticien lorsque celui-ci exerce en hôpital public que lorsqu’il exerce en ESPIC…
Cumuls
S'agissant du recrutement des PH et de la gestion des ressources humaines à l'échelle des groupements hospitaliers de territoire (GHT), le Sénat a adopté un texte conforme à celui de la commission. Ainsi l'article 3 vise à simplifier le processus de recrutement des PH. Et l'article 4, qui dans sa version initiale permettait au directeur de l'établissement de support du GHT de créer des postes, oblige désormais celui-ci à se recentrer sur le projet territorial de santé (PTS) et limite d'autant son autonomie.
Dans une première écriture, la proposition de loi permettait l'intervention individuelle de bénévoles dans les établissements. Les sénateurs ont jugé cette mesure dangereuse en raison des dérives au regard des compétences nécessaires requises. Ainsi, le rôle des associations dans le recours aux bénévoles a été réaffirmé.
Exit également la mesure qui aurait permis aux directeurs d'établissements de consulter le fichier national de déclaration à l'embauche « afin de mieux contrôler les cumuls irréguliers d'activités » (mixte, libéral ou autre). Les sénateurs ont « estimé que ce dispositif, en plus de présenter une atteinte disproportionnée à la protection de la vie privée des agents concernés, n'était pas propice à remplir l'objectif qu'il se fixait ».
« Débat de fond » sur l'intérim médical
L'article 10, relatif à la lutte contre les dérives de l'intérim médical, a fait l'objet d'âpres discussions. Celui-ci – qui prévoyait de rendre effectif le plafond financier réglementaire de l'intérim en forçant le comptable public à rejeter tout paiement au-delà de la limite et en obligeant le directeur de l'agence régionale de santé (ARS) à déférer devant le tribunal administratif les établissements qui se livrent à des rémunérations irrégulières – ne figure plus dans le texte final. Au grand dam d'Olivier Véran qui y voyait « l'arme ultime ». « Cette solution supprime l'épée de Damoclès suspendue au-dessus du directeur. Je travaille ce sujet depuis dix ans avec les acteurs concernés. Il n'y a pas d'autre moyen », a-t-il avancé devant les sénateurs.
Le ministre de la Santé a toutefois salué « le débat de fond » sur l'intérim médical avec les élus et s'est dit « réjoui que la discussion se poursuive en CMP [commission mixte paritaire, NDLR] ». « Nous allons maintenant préparer la CMP pour tenter de trouver un terrain d'entente », a convenu la sénatrice LR du Maine-et-Loire Catherine Deroche.
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