Moins contrôler et mieux surveiller. Voilà la recommandation globale de la Cour des comptes adressée aux agences régionales de santé (ARS). Dans un rapport publié lundi 14 avril, les Sages de la rue Cambon pointent les défaillances des ARS en matière d’inspection-contrôle des établissements de santé et médico-sociaux, notamment les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
Sur le papier, les ARS sont compétentes en matière d’inspection-contrôle depuis leur création en 2010. S’il est difficile de quantifier précisément le volume de cette activité, faute d’outils de suivi spécifique jusqu’en 2018, « différents travaux de la Cour ont observé que l’engagement des ARS dans ce domaine était faible par rapport aux besoins », peut-on lire dans le document d’une quarantaine de pages.
C’est notamment le cas de l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur, « au sein de laquelle les missions inspections et contrôles étaient rares », tout comme l’ARS Normandie « qui n’avait réalisé qu’un nombre très faible d’inspections et de contrôles sur les établissements médico-sociaux ». Des lacunes sont aussi relevées du côté de l’ARS Pays de la Loire « dont les inspections contrôles sur les Ehpad étaient insuffisants ». Et ce, alors même que cette agence disposait, selon la Cour, « de marges de manœuvre pour transférer des ressources humaines des fonctions support vers les fonctions sectorielles telle que l’inspection-contrôle ». L’ARS Centre-Val de Loire est également citée parmi les agences défaillantes, « un délaissement des missions d’inspection-contrôle [ayant] été constaté en 2019 ».
Les Ehpad contrôlés une fois tous les 20 à 30 ans
Ce moindre engagement des ARS dans l’inspection et le contrôle des établissements conduit à « une absence de surveillance minimale standardisée », pointe la Cour qui a constaté « qu’un Ehpad était en moyenne contrôlé une fois tous les 20 ans à 30 ans ». Les Sages ajoutent que « l’activité de contrôle peut être délicate à exercer lorsque la priorité, sinon l’exclusivité, des modes d’action des ARS est accordée aux partenariats et aux coopérations avec les organismes placés sous leur tutelle ».
D’autant plus que les inspections contrôles menées par les agences ne donnent pas systématiquement lieu à des visites sur place au sein des établissements ciblés. En limitant l’analyse aux seules inspections contrôles réalisées sur place – « sachant que cette information manque dans la majeure partie des cas », selon la Cour – le nombre d’inspections contrôles des ARS a connu une forte baisse pendant la crise sanitaire, passant de 2 617 à 939 inspections contrôles entre 2019 et 2020.
Regain des contrôles mais trop de procédures allégées sur pièces
« C’est au cours des deux années suivantes que l’activité d’inspection-contrôle a connu un regain, nettement marqué en 2023 (4 951 contre 2 598 en 2022 », détaillent les magistrats. Cette reprise d’activité fait suite au scandale Orpea, après les révélations du journaliste Victor Castanet, dans son livre enquête « Les Fossoyeurs » en janvier 2022. Un plan gouvernemental de contrôle de l’ensemble des Ehpad avait en effet été mis en œuvre : 96 % des 7 500 établissements ont été inspectés et contrôlés fin 2024, seuls 55 établissements ont fait l’objet d’une sanction administrative.
Pourtant, le compte n’y est toujours pas pour la rue Cambon. Car « le caractère exhaustif » de ce plan de contrôle des 7 500 Ehpad a eu pour corollaire le recours à grande échelle par les ARS à des procédures sur pièces. « Cette évolution, qui s’explique par l’impossibilité d’assurer l’inspection-contrôle selon les modalités traditionnelles sur l’ensemble des établissements dans les délais prévus, présente des limites importantes : ce type de procédure allégée apparaît en effet peu adapté à l’identification des phénomènes de maltraitance », peut-on lire.
Problème d’effectifs
Il faut dire que les effectifs dédiés pour réaliser les inspections-contrôles restent limités. « À titre d’illustration, l’ARS Pays de la Loire a vu son effectif de MISP (médecin inspecteur de santé publique) passer de 21 à 13 de 2019 à 2023, détaille la Cour. Dans ces conditions, l’ARS a suspendu ses activités d’inspection-contrôle dans plusieurs domaines (laboratoires de biologie médicale, centre d’aide médicale à la procréation) ».
Dans ce contexte, les magistrats préconisent « une logique de ciblage en fonction d’une analyse préalable des risques », méthode préférable à un contrôle exhaustif qui ne demeurerait que documentaire ou formel dans de nombreux cas.
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