« Perte de sens », « obsession pour la performance financière », personnels « devenus des numéros », « montée en puissance du pouvoir administratif », etc. Auditionnés par la commission d'enquête du Sénat sur la situation de l'hôpital, des médecins sonnent le tocsin en ce début d’année 2022. Dans leur rapport, les sénateurs réclament un « électrochoc » et une reconnaissance « à leur juste valeur » des contraintes des soignants. Ils plaident également pour une amélioration des ratios « patients par soignant », mais aussi une liberté et une autonomie accrues accordées aux acteurs hospitaliers. Quelques semaines plus tôt, des soignants alsaciens avaient lancé une action symbolique dans les établissements, tous les vendredis : une minute de silence pour protester contre « la mort programmée de l’hôpital public », respectée durant cinq mois dans de nombreux hôpitaux.
À l’approche des élections présidentielles, le monde hospitalier se mobilise à nouveau. À l’image de cette nouvelle journée d’action nationale début janvier : à Paris, 3 000 personnes manifestent pour réclamer des hausses de salaires, une amélioration des conditions de travail et l'arrêt des fermetures de lits. Mais une nouvelle vague Covid submerge les services d’urgence en février. Des tentes sont montées en catastrophe à Bordeaux, Perpignan ou Brive. Deux mois plus tard, à l’approche du week-end de Pâques, les urgences de nombreux établissements tirent à leur tour la sonnette d’alarme, en raison de l’afflux important de patients. Le CHU de Bordeaux conseille notamment aux patients de prendre l'avis du médecin traitant et de contacter le 15, avant de se rendre aux urgences.
Effondrement
Fin mai : faute de soignants, au moins 120 services d'urgence sont en détresse fin mai, selon Samu-Urgences de France (SUdF). Ce ne sont plus seulement les petits établissements qui craquent, ce sont aussi de très grands hôpitaux : Bordeaux, Toulouse, Grenoble, Strasbourg, Orléans, Versailles, etc. « Des personnes vont décéder cet été aux urgences », alerte dans la foulée le Dr Patrick Pelloux qui met en garde sur le risque « d'effondrement » de l'hôpital.
C’est dans ce contexte que la « mission Braun » préconise une régulation préalable des services d’urgence par le Samu ou le SAS, tout au long de l’été. Autres recommandations de la boîte à outils du futur ministre : une majoration de 15 euros sur les consultations non programmées régulées effectuées par les libéraux à la demande du centre 15 ou du SAS, mais aussi majorations des sujétions de nuit (lire encadré). Malgré ces mesures inédites, un grand nombre de services d'urgence ont restreint ou fermé leur accès durant l’été, tandis que certains Samu-Centres 15 ont été submergés d’appels.
Mais « la catastrophe annoncée ne s’est pas produite », juge fin août François Braun dans un entretien au « Quotidien». Alors que les acteurs du monde hospitalier s’interrogent sur la pérennisation des mesures estivales, il annonce avoir saisi l’Igas sur deux points : l’efficacité des 41 mesures de la « mission flash » et une saisine spécifique sur la régulation médicale préalable. De son côté, SUdF plaide pour « la poursuite de ce dispositif pour les services d'urgences en difficulté », avant leur généralisation progressive sur tout le territoire.
Rapport Igas
Il faudra attendre fin novembre pour connaître les conclusions de l’Igas sur l’impact des mesures estivales. Sur la question de la régulation préalable des urgences, l’institution estime qu’elle devra s’accompagner de « moyens humains et informatiques adaptés ». L'Igas plaide aussi pour le maintien de la majoration de 15 euros des actes de soins non programmés. Une semaine plus tôt, François Braun avait annoncé, dans le cadre de l’examen du PLFSS, une enveloppe supplémentaire de 543 millions d'euros pour l'hôpital, afin d'amortir le choc de la facture liée au Covid et l'inflation.
Fin octobre, c'est au tour du secteur de pédiatrie de lancer un cri d'alarme : une lettre ouverte signée par 7 000 médecins est adressée à Emmanuel Macron. Immédiatement, le ministère de la Santé débloque une enveloppe de 150 millions d'euros rallongée ensuite à 570 millions et annonce la tenue d' « Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant » au printemps 2023. Chapeautées par la Pr Christèle Gras Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie, ses travaux préparatoires ont débuté en décembre.
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