Alors que les personnels de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) se sont mobilisés pour la sixième fois vendredi dernier contre le projet de réorganisation du temps de travail du directeur Martin Hirsch, trois experts du monde hospitalier se sont penchés sur l’équation complexe des 35 heures à l’hôpital, lors d’une table ronde organisée par l’AJIS*.
Le bras de fer entre les personnels et la direction du navire amiral francilien n’est que la dernière illustration des crispations récurrentes sur la question du temps de travail à l’hôpital. Depuis 2002, 44 % des hôpitaux français (et un tiers des établissements franciliens) ont déjà renégocié leurs accords sur le temps de travail, plus ou moins dans la douleur.
De fait, l’application à marche forcée de la réforme a soulevé de grandes difficultés, faute de recrutements : manque de personnels, recours forcé à l’intérim, cumul de RTT non prises, épuisement des équipes. La Fédération hospitalière de France (FHF) estime à 3,3 le nombre moyen de jours stockés par agent dans les CET (compte épargne-temps). Ce stock s’élève à 25,3 jours par praticien hospitalier.
Contrainte budgétaire
Les disparités de situation entre établissements témoignent des effets pervers de la réforme. Quelques hôpitaux sont aux 35 heures strictes – et n’ont pas droit aux RTT – d’autres en octroient jusqu’à 27...
À l’AP-HP, l’un des principaux points d’achoppement est le passage d’une journée de 7 h 36 (ou 7 h 50) à une journée de 7 h 30 (donnant lieu à 15 RTT par an au lieu de 18 ou 20 aujourd’hui) pour une partie du personnel non médical. Selon Jérôme Lartigau, maître de conférence au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), ces six minutes en plus coûtent 45 millions d’euros brut par an à l’AP-HP. Au niveau national, la FHF recommande ce plafond de 15 RTT par an, qui pourrait procurer 400 millions d’euros d’économie.
« Avec la contrainte budgétaire imposée aux hôpitaux, la réforme sur le temps de travail est nécessaire, confirme Frédéric Moatty, chargé de recherche au CNRS. Mais entre 2005 et 2009, la productivité a augmenté plus vite que les effectifs non médicaux, sans forcément de contrepartie. C’est pourquoi un directeur qui veut réussir sa réforme ne peut isoler la question du temps de travail de celle sur les conditions de travail. »
Face aux résistances, Martin Hirsch a précisément essayé de coupler le chantier du temps de travail à celui des conditions de travail (nouveaux logements, crèche, etc.), sans calmer pour l’instant la colère des agents.
La synchronisation des temps, enjeu clé
Selon Jean-Marie Barbot, président de l’association pour le développement des ressources humaines des établissements sanitaires et sociaux (ADRHESS), la synchronisation du travail médical (compté en demi-journées) et du travail non médical (en heures) est au cœur du casse-tête des plannings.
Selon l’AP-HP, la généralisation de la « grande équipe » aux personnels (qui s’accompagne d’une flexibilité accrue) permettrait de limiter le nombre de postes de travail et pourrait s’accommoder au fonctionnement des praticiens hospitaliers...
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