Chef du service de chirurgie orthopédique et traumatologique à Lariboisière, le Pr Rémy Nizard a opéré tout le week-end des victimes des attentats survenus à Paris, vendredi dernier. Il récuse la polémique qui veut que les moyens matériels aient fait défaut aux équipes chirurgicales.
LE QUOTIDIEN : Comment et où avez-vous été informé des attentats de vendredi dernier ?
Pr REMY NIZARD : Je regardais le match de football France-Allemagne à la télévision et j’ai reçu une alerte sur mon smartphone m’informant d’une fusillade dans le Xe arrondissement de Paris. Dans la foulée, mon chef m’a envoyé un SMS m’informant qu’un premier blessé était arrivé à Lariboisière. Je me suis aussitôt dit qu’il fallait que je rejoigne l’hôpital. Je ne savais pas encore trop bien ce qui se passait, mais j’ai préféré réagir par excès que par défaut.
Les équipes soignantes sont-elles vite arrivées à Lariboisière ?
Ah, oui ! Ça a été extrêmement rapide. À ce sujet, je voudrais vraiment souligner le professionnalisme et le dévouement des équipes paramédicale, médicale et administrative. Tout est important dans ces cas-là, et toutes ces équipes ont joué collectif pendant les événements.
Les moyens matériels vous ont-ils fait défaut ?
Nous avons vraiment tout le matériel qu’il faut, même pour prendre en charge plus de 300 blessés. Pour ceux qui nous ont été adressés, nous n’avons eu aucun souci. Ça réclame peut-être un peu d’intelligence, de débrouillardise et d’adaptation, par exemple pour savoir utiliser un matériel à la place d’un autre, mais ça n’est pas un problème. La polémique qui est née ce matin est d’un intérêt limité.
Combien de blessés avez-vous soignés à Lariboisière au cours de ces derniers jours ?
Il y en a 27 qui sont arrivés à Saint-Louis avec qui nous sommes organisés en groupe hospitalier, et 22 sur Lariboisière en première intention. Cinq autres ont été transférés secondairement de Saint-Louis sur Lariboisière pour être opérés en orthopédie.
À quel type de blessures avez-vous dû faire face ?
Il y a eu du rachis, un blessé s’est pris une balle dans la tête, il y a eu une balle dans la mâchoire, une autre dans le foie. Nous, en orthopédie, on a eu de très nombreuses plaies des membres, fémur, tibia, avant-bras.
Quand avez-vous eu fini d’opérer ?
À Lariboisière, en orthopédie, dans la nuit de vendredi à samedi, on a opéré une première fournée de blessés sur deux salles jusqu’à 5 ou 6 heures du matin. Samedi, on a continué toute la journée en orthopédie sur trois salles, et ça encore duré un peu le dimanche pour les blessés les moins graves. Mais si l’on prend en compte tous les types de blessures, il y a eu jusqu’à sept salles mobilisées en simultané. À Saint-Louis aussi, il y a eu sept salles mobilisées.
Parmi les blessés que vous avez accueillis, combien selon vous étaient en risque vital ?
Environ trois ou quatre sur les plaies digestives, du crâne et ORL. En orthopédie, ce ne sont pas des urgences vitales, mais des urgences fonctionnelles. Ceux qui avaient une atteinte vasculaire étaient redirigés automatiquement sur Bichat, qui dispose d’un service d’urgence vasculaire qui n’existe pas à Lariboisière.
Les équipes étaient-elles préparées à un tel afflux, à un tel choc ?
Oui, nous n’avons rencontré strictement aucun problème. De plus, des gens se sont présentés spontanément, comme des anciens internes, une ancienne PH installée en libéral, et bien d’autres.
Que vous inspire ce drame ?
Nous vivons dans un flot d’informations qui fait que les choses s’oublient rapidement. Mais pour les blessés, c’est différent. Certains d’entre eux vont connaître des années de galère. Ils vont rester blessés, et nous, nous serons passés à autre chose. Ils ont besoin d’un suivi, pas seulement médical, mais aussi compassionnel. Il ne faut pas que nous tournions la page trop vite. Pour eux, il n’est pas possible d’oublier ces événements.
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne