Le phénomène avait été observé après les premiers attentats de janvier contre Charlie Hebdo et le supermarché cacher (+ 7 % des inscriptions), mais depuis le 16 novembre, « un pic de demandes d’inscription aux stages de formation premier secours via internet est atteint à la Croix Rouge, de l’ordre de 40 à 50 %, précise Christophe Talmet, responsable de la formation, et un mois après, on reste sur un plateau élevé, qui va porter le nombre des formations dispensées à 15 000, contre 10 000 en temps normal. Les attentats ont provoqué une prise de conscience et une démarche citoyenne. Touchés directement dans leurs proches, ou par les images, les volontaires, des jeunes surtout, mais aussi des seniors, nous disent qu’ils ne veulent pas rester démunis en cas de catastrophe, ils veulent apprendre à être utiles en maîtrisant les gestes qui sauvent. »
Concrètement, la formation « prévention secours civique niveau 1 », validée par un diplôme d’État, est dispensée en une journée de huit heures, par groupes de dix stagiaires avec un formateur bénévole. « Nous apprenons à réduire les hémorragies, à dégager les voies aériennes en cas d’étouffement, mais aussi à pratiquer des soins sur une brûlure, à immobiliser une personne victime d’un malaise, à effectuer un massage cardiaque, détaille Patrice Dallem, directeur des urgences et du secourisme de la Croix-Rouge. S’y ajoute une initiation à la réduction des risques, par la sensibilisation aux dangers collectifs quotidiens. »
« En attendant l’intervention des services d’urgence, le stagiaire, premier maillon de la chaîne de secours, doit pouvoir contribuer à la meilleure chance de survie des victimes, souligne Christophe Calmet. Si plus de gens avaient réagi le 13 novembre en mettant leurs mains sur les plaies, en mettant les personnes en PLS (position latérale de sécurité), peut-être plus de personnes auraient-elles pu être maintenues en vie. »
Pour faire face à la demande, le nombre des sessions de formation a été augmenté dans tous les arrondissements parisiens, mais aussi dans les grandes métropoles comme Lyon.
Résilience sociétale
Sur ce terrain des premiers secours, malgré les formations dispensées depuis 2006 dès l’école primaire, la France accuse un net retard : 31 % des Français sont titulaires d’un diplôme de secourisme, 18 % ont été sensibilisés aux gestes qui sauvent (sondage Opinion Way de septembre 2013), loin derrière des pays comme la Norvège, où 95 % de la population est formée, ou l’Allemagne (80 %). La direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise (ministère de l’Intérieur) a demandé à l’ensemble des organismes formateurs de mettre le turbo (Sapeurs pompiers, Protection civile, Centre français de secourisme, Ordre de Malte). Pour renforcer ce qu’il appelle « la résilience sociétale », le général Philippe Boutinaud, patron de la BSPP, vient d’annoncer l’ouverture en 2016 de plusieurs casernes afin d’initier les Parisiens aux gestes de premier secours, « pas seulement pour faire face à des attentats, précise-t-il : beaucoup de vies pourraient être sauvées chaque année si tous les Français savaient faire un massage cardiaque. » Les pompiers ne donneront pas une formation qualifiante, qui reste le rôle des associations de sécurité civile, mais ils présenteront les quatre ou cinq gestes qui permettent de sauver la vie, avec initiation gratuite de deux heures.
La Croix-Rouge aussi va proposer des modules courts sur les « actes réflexes » en cas d’hémorragie, d’arrêt cardio-respiratoire, ou d’AVC.
Et c’est ce qu’ont décidé de lancer depuis le 5 décembre le Dr Joël Valendoff et la vingtaine de praticiens de la Maison de Santé Faidherbe, située à quelques mètres de la Belle Équipe, où 19 personnes ont été tuées. « Beaucoup d’habitants du quartier sont venus nous dire qu’ils n’avaient pas su quoi faire. Ce sentiment d’impuissance aggravait le traumatisme de beaucoup de voisins, témoigne la coordonnatrice de la MS, Illé Bonin. La maire de Paris, Madame Idalgo, qui est passée nous voir, avait promis son aide pour organiser des formations. Sans nouvelles de la Ville, malgré toutes nos relances, nous avons donc décidé de nous équiper avec un mannequin, des films vidéo et un défibrillateur ; les séances de deux heures sont assurées gratuitement par six généralistes et trois urgentistes, tous les samedis après-midi. La liste d’attente est actuellement de deux semaines, si bien que d’autres séances devraient être proposées le mercredi. » Car la demande ne retombe pas. « Dans l’état de stress post-traumatique que connaissent les habitants du quartier, ces apprentissages des gestes qui sauvent sont aussi une aide à se remettre soi-même. »
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