À l'unanimité, c'est non. Non à un GHT avec le Puy-en-Velay. À Brioude, gros bourg médiéval de 6 500 habitants du cœur de l'Auvergne, patients, élus et médecins refusent cette alliance qui, aux dires de beaucoup, fleure bon le petit arrangement politique.
L'histoire de cet hôpital de Haute-Loire illustre les difficultés du terrain dans la mise en place de la réforme hospitalière. Volontairement, le ministère a laissé une grande marge de manœuvre aux acteurs locaux. Or, dans le secret des petits territoires, cette liberté peut paradoxalement tourner au vinaigre.
L'hôpital de Brioude (167 lits) vient d'apprendre par son homologue du Puy-en-Velay que ce dernier compte piloter un GHT départemental. Outre les deux CH, le groupement concentrerait trois autres petits établissements. Pour subsister face au GHT du CHU de Saint Étienne, géant ligérien à une heure de route, le Puy, préfecture de 18 000 habitants, ne peut se passer de Brioude – malgré un déficit de six millions d'euros.
Le calvaire de la N102
La semaine dernière, les usagers de Brioude ont sonné le tocsin sur les dangers sanitaires de ce mariage éventuel. 45 minutes et un col à 1 100 mètres d'altitude séparent Brioude du Puy. La nationale 102 est un « véritable calvaire », enneigée en hiver et labourée par les camions et tracteurs.
La logique des filières de soins et des coopérations médicales apporte de l'eau au moulin des praticiens brivadois. « Nous n'avons plus de maternité et le bloc est fermé la nuit et le week-end, explique Aline Bonnet, pharmacienne et présidente de la CME de l'hôpital. L'hôpital d'Issoire, situé à 30 minutes, et le CHU de Clermont, vivier d'internes et d'assistant partagés, sont nos partenaires depuis plusieurs années. » Tout comme la CME, le conseil de surveillance de l'hôpital et les élus sont favorables à un GHT clermontois.
Cette analyse est partagée par les médecins généralistes qui – fait rare – viennent d'interpeller dans une lettre commune leur député (LR) Jean-Pierre Vigier. « Peu importe la décision de l'ARS, nous continuerons à travailler avec Clermont, affirme le Dr Bernard Déat, 61 ans et 1 300 patients au compteur. En pédiatrie, en neurologie, en chirurgie cardiaque et thoracique, le Puy ne fait pas le poids face à un CHU. » Pour le Dr Géraldine Cornet, 33 ans, « expliquer aux patients qu'ils doivent se rendre au Puy pour finir à Saint Étienne, à deux heures de route, ça ne va pas le faire. » Seuls 9 % des patients du CH du Puy proviennent de Brioude.
Blocage
Le Puy (487 lits) entend pourtant défendre son projet de coopération en s'appuyant sur la CHT qui, depuis 2013, recouvre l'offre hospitalière de la Haute-Loire. Mais pour Brioude, cette logique départementale a ses limites. Si la coopération logistique (pharmacie, matériel biomédical) de la CHT fonctionne, le partenariat médical laisse à désirer. « 35 patients par an sont opérés de la cataracte ici par un chirurgien du Puy au lieu des 500 prévus, déplore Claire Maynadier, directrice de Brioude. Aujourd'hui, on nous englobe dans un projet de GHT sans nous demander notre avis alors que la cohérence de terrain nous pousse vers Clermont. En attendant la décision de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes, nous sommes bloqués. »
Les rumeurs vont bon train sur l'issue de l'histoire. Le nom de Laurent Wauquiez, président de région et du conseil de surveillance du CH du Puy, ville dirigée pendant huit ans, revient fréquemment aux oreilles dans cette guerre d'influence. Ce dernier, pas plus que l'ARS ou l'hôpital du Puy, n'a répondu à nos sollicitations.
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »