Depuis le 11 juillet, le CHU de Nice est contraint de réguler l’admission au sein du service des urgences entre 18h et 23h. L’hôpital a également activé un certain nombre des recommandations de la mission Braun. Les explications du Dr Pierre-Marie Tardieux, chef de pôle des urgences.
LE QUOTIDIEN : Depuis le 11 juillet, les patients « les moins graves » du CHU de Nice sont-ils réorientés vers d’autres établissements ?
Dr PIERRE-MARIE TARDIEUX : Suite aux recommandations de la « mission flash », l’ARS PACA réunit depuis mi-juin tous les services d’accueil d’urgence (SAU) du département : publics, privés, établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic). Nous avons mis en place un protocole de délestage, en tenant compte d’un certain nombre d’indicateurs : capacitaire d’aval, nombre de boxes et de passages, etc. Le CHU de Nice a environ 85 à 90 brancards disponibles. Donc, quand nous arrivons au seuil de 90 à 100 patients aux urgences, si l’aval est bouché, nous activons la procédure de délestage. Nous appelons la régulation du Samu pour qu’il réoriente certains patients vers d’autres SAU. Il ne s’agit pas d’urgences médicales graves, mais de petites entorses, de petites fractures ou de problèmes qui ne nécessitent pas l’intervention de notre plateau technique.
Est-ce que cela fonctionne au quotidien ? Le centre 15 n’est-il pas surchargé d’appels ?
Quand nous avons vu que le CHU de Bordeaux allait fermer ses urgences et réorienter les patients via le 15, nous avons demandé à l’ARS d’augmenter le nombre d’assistants de régulation médicale (ARM). Nous savions que nous aurions beaucoup plus d’appels que prévu cet été. Nous avons donc recruté dix postes d’ARM à temps complet, pour compléter l’équipe de 12 personnes. Aujourd’hui, le Samu est peut-être débordé d’appels, mais il a les moyens « d’encaisser ». Nous avons aussi deux médecins hospitaliers et deux médecins libéraux pour faire de la régulation et nous avons pu obtenir un médecin libéral supplémentaire qui vient les aider le samedi et le dimanche.
Le CHU de Nice a-t-il également valorisé les heures supplémentaires ?
Tout à fait, suite aux recommandations de la mission Braun, nous avons organisé des demi-gardes payées en heure supplémentaires de 18h à minuit. Les PH des autres services du CHU viennent donc nous prêter main-forte, ainsi que les docteurs juniors qui bénéficient également d'heures supplémentaires survalorisées. Nous avons mis en place un planning pour accueillir des médecins libéraux dans notre maison médicale de garde y compris en journée. Enfin, nous fonctionnons en mode dégradé depuis début juin pour faire face au manque de médecins et de paramédicaux aux urgences.
Ces mesures ont-elles vocation à se pérenniser ?
Oui, nous avons demandé à l’ARS de pérenniser cette procédure de délestage. J’espère aussi que les mesures de revalorisation des heures supplémentaires et des gardes vont continuer à l’issue de l’été.
Comment faites-vous pour améliorer l'attractivité des urgences ?
À Nice, nous avons la chance d’avoir le soleil, mais cela ne suffit plus pour demeurer attractifs. Notre direction et la ville de Nice se battent donc pour proposer davantage de places en crèches aux personnels. Le parc immobilier du CHU propose aussi aux nouvelles recrues paramédicales des hébergements temporaires à des prix aménagés. Enfin, la DRH vient à la rencontre des étudiants dans les écoles d’infirmiers pour faciliter le recrutement à moyen terme.
Mais c’est aussi un problème de perte de sens qui n’est pas propre aux urgences. Autrefois, les professionnels étaient heureux de travailler. Aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à venir avec la boule au ventre. Il est devenu très compliqué de manager des équipes meurtries par la pandémie et des années de crise. Quand quelqu’un n’a plus envie de travailler, il se met en arrêt de travail et il s’en va. Nous avons donc l’obligation d’être au plus proche de nos équipes, d’avoir un management bienveillant. Aux urgences du CHU de Nice, nous faisons des réunions de service trois fois par jour pour rassurer les équipes, écouter le ressenti de chacun, essayer de trouver ensemble des solutions. L’époque des mandarins, avec son management à la dure, est définitivement révolue.
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