Retards de diagnostics et de soins, minimisation de symptômes, interventions non désirées : les inégalités de genre dans la prise en charge médicale non seulement persistent mais compromettent la santé des femmes. C’est ce que démontre une enquête publiée par la Fédération hospitalière de France (FHF) en collaboration avec l’institut de sondages Ipsos, à l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, le 8 mars. « Malheureusement, la santé des femmes reste marquée par les stigmates d’une médecine pensée par et pour les hommes », avance la FHF.
Causes psychologiques et hormonales…
Le constat s’opère dès la relation avec les soignants. Ainsi, plus de la moitié des Françaises interrogées (51 %) estiment que leurs symptômes décrits à un professionnel de santé « ont au moins une fois été minimisés ou non pris au sérieux, parce qu’elles sont des femmes ». Un tiers d’entre elles (31 %), déclarent également avoir reçu des commentaires inappropriés sur leur apparence physique ou leur vie personnelle par des professionnels de santé. Et pour 42 % des répondantes, leurs symptômes physiques ont au moins une fois été attribués à des causes psychologiques et hormonales « sans investigation approfondie ». Autre confirmation de l’impact des biais sexistes, une femme sur cinq déclare « avoir ressenti une pression pour des interventions non désirées ».
L’enquête révèle que ce sont les femmes âgées de moins de 35 ans et celles souffrant de problèmes de santé mentale qui sont le plus confrontées à ces situations. Pour ces deux populations, la minimisation des symptômes décrits atteint respectivement 64 % et 69 % de déclarations. Enfin, 35 % des femmes de moins de 35 ans annoncent « avoir subi des pressions pour des interventions non désirées », par exemple concernant la contraception ou la grossesse.
Manque de soutien de l’entourage proche
Et ce n’est pas forcément auprès de leurs proches que ces patientes trouvent un appui plus affirmé. En effet, un tiers des répondantes (32 %) soulignent « un manque de soutien dans leurs démarches de santé de la part de leur entourage ». Chez les moins de 35 ans, elles sont même 58 % à déclarer avoir subi une banalisation de leurs problèmes de santé sous prétexte qu’ils sont « normaux » pour une femme. Tandis que 42 % ont essuyé des commentaires déplacés de leurs proches concernant des changements corporels.
À l’arrivée, souligne la FHF, près de la moitié des femmes (49 %) sous-estiment leur niveau de douleur, une autocensure qui a un impact direct sur l’égalité en santé. « Il nous apparaît nécessaire de sensibiliser l’ensemble des professionnels de santé aux biais de genre et d’adapter les protocoles médicaux », pour assurer une prise en charge équitable des patientes, poursuit la FHF.
La persistance d’inégalités sexistes dans les prises en charge est non seulement un enjeu de droits mais aussi une question de santé publique
Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF
Les « stigmates » d’une médecine « pensée par et pour les hommes » ont des traductions nombreuses et documentées. L’Académie de médecine, en ce début d’année, a mis en évidence « le risque de surmortalité des femmes en matière de maladies cardiovasculaire du fait de retard de prise en charge systématiques » (près de trois fois plus que les hommes pour les infarctus).
Quant à leurs consultations aux urgences pour des douleurs abdominales, le fait de voir ces symptômes liés à une cause psychosomatique ou gynécologique avant d’envisager d’autres causes médicales, comme une appendicite ou des calculs rénaux, « rallonge parfois le diagnostic », illustre encore la FHF.
En psychiatrie cette fois, le taux d’hospitalisations pour geste auto-infligé de la patientèle féminine âgée de 10 à 19 ans a doublé entre 2012 et 2020 puis à nouveau doublé entre 2020 et 2022, selon la Drees (ministère)
« La persistance d’inégalités sexistes dans les prises en charge est non seulement un enjeu de droits mais aussi une question de santé publique. La FHF est déterminée à faire bouger les lignes », insiste Zaynab Riet, déléguée générale de la fédération hospitalière de France, pour qui l’hôpital public doit être « le fer de lance de l’égalité en santé ».
Le lobby hospitalier public déclare par ailleurs travailler à un meilleur dépistage et à une évolution du processus médico-légal autour de la question de la soumission chimique, qui a surgi sur le devant de la scène avec le procès des viols de Mazan.
Enquête réalisée selon la méthode des quotas du 20 au 26 février 2025 auprès d’un échantillon national représentatif de 1 500 personnes, interrogé par internet
Denis Thuriot (maire de Nevers) : « Je songe ouvrir une autre ligne aérienne pour les médecins libéraux »
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne