Le suicide par défenestration du Pr Jean-Louis Megnien, le 17 décembre à l’Hôpital européen Georges-Pompidou (Assistance publique - Hôpitaux de Paris), a provoqué une vague d’émotion dans le monde hospitalier et relancé la polémique sur les conditions de travail à l’hôpital.
Pas moins de quatre enquêtes (administratives, policière et judiciaire) ont été ouvertes pour tenter de comprendre ce qui a poussé ce médecin de 54 ans à mettre fin à ses jours sur son lieu de travail. Le Pr Megnien avait repris ses fonctions au sein du service de cardiologie quelques jours plus tôt, après neuf mois d’arrêt maladie.
La justice saisie pour harcèlement moral
Saisie par le directeur général de l’AP-HP Martin Hirsch, la commission d’analyse des suicides va auditer les personnels de l’HEGP afin « d’analyser l’environnement professionnel » du Pr Megnien et de « déterminer s’il existe des éléments qui peuvent avoir contribué à la situation de détresse ».
Toujours en interne, une seconde commission constituée de deux médecins et d’une ancienne membre de la direction de l’AP-HP (les Prs Didier Houssin, Patrick Hardy et Marie-Sophie Desaulle) doit travailler d’ici à février et « en toute indépendance » à « la mise à plat des sujets conflictuels dans l’établissement, des problématiques mal résolues, de tous les éléments de contexte d’un hôpital qui a connu plusieurs crises au cours des dernières années ». « J’ai demandé à ce que les premiers résultats de l’enquête administrative me soient transmis d’ici au 15 janvier. Au vu ou pas des résultats, je prendrai des décisions », a précisé Marisol Touraine le 31 décembre.
En parallèle, la brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) de la police judiciaire de Paris a ouvert une enquête le 17 décembre. Le parquet de Paris enfin est en charge d’une enquête préliminaire pour harcèlement moral, ouverte la semaine dernière après une plainte de la veuve du médecin.
Une souffrance ancienne
Pendant la trêve des confiseurs, les vives réactions du monde hospitalier ont donné un nouvel écho à la brutale disparition du Pr Megnien, dépassant le cadre de l’HEGP.
Dans une lettre publique, le Pr Bernard Granger, membre de la commission médicale d’établissement (CME) de l’AP-HP, met ouvertement en cause le manque de lucidité et de réaction de la direction générale de l’HEGP, prévenue à plusieurs reprises du « risque suicidaire » du Pr Megnien.
Le psychiatre révèle aussi le contenu d’un e-mail envoyé fin 2014 par un chirurgien de l’HEGP à Anne Costa, directrice des Hôpitaux universitaires Paris Ouest (groupe dont dépend l’HEGP) et à Martin Hirsch en copie.
« Sachez, Madame la Directrice, que [le Pr Megnien] est actuellement en très grande souffrance. Vous en connaissez la cause (harcèlement moral…) mais vous en ignorez son degré d’affliction ! Le Pr Megnien a une vision très noire de son avenir immédiat et à moyen terme. Il a clairement exprimé son "envie d’en finir" ; il "s’est renseigné", m’a-t-il annoncé ce matin, en pleurs ! Seul son amour pour sa femme et ses cinq enfants l’ont empêché de commettre l’irréparable. » Le Pr Granger dénonce les « luttes claniques » de l’HEGP, « terreau sur lequel se développe une maltraitance institutionnelle ».
Dans une autre lettre aux membres de la CME de l’AP-HP, le président Loïc Capron confirme que le Pr Megnien avait « depuis longtemps » sollicité l’aide de la CME, mobilisée de l’automne 2013 au printemps 2014 aux côtés du cardiologue pour « remédier à sa souffrance au travail ».
Situations à risque
La réaction de trois syndicats de PH a apporté une tonalité encore plus politique à cette affaire.
En écho au suicide du praticien, le SNAM-HP et la CMH (réunis au sein de Convergences-HP) ont rappelé leur crainte de voir les futurs groupements hospitaliers de territoire (GHT) prévus dans la loi de santé se traduire par des « modifications, réorganisations, voire des restructurations » des équipes de soins, déjà fragilisées. Les deux centrales demandent la création d’un observatoire des situations à risque de décompensation, sous la responsabilité des commissions régionales partiaires.
L’Intersyndicat des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux de Paris réclame aussi que la problématique des risques psychosociaux des personnels de santé soit une « priorité d’action » à l’AP-HP. Il appelle la nouvelle CME à se saisir de ce dossier dès le début de l’année, après l’élection du président prévue le 12 janvier.
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