Déterminés à faire appliquer le droit sur le temps de travail, les pédiatres du centre hospitalier du Belvédère, près de Rouen, étaient ces jours-ci sur le point de saisir le juge. Ils auraient été les premiers en France à le faire, lassés d’être les seuls, dans leur établissement, à être d’astreinte opérationnelle la nuit. Sans possibilité de repos de sécurité.
La petite équipe a pris un avocat. La plainte était rédigée, prête à partir au tribunal administratif, jusqu’à ce coup de théâtre, mardi : la chef du service reçoit un coup de fil de l’Agence régionale de santé, qui lui annonce l’autorisation de passer en garde sur place, avec le budget afférent pour renflouer l’équipe. « Enfin le déblocage! Nous ne portons plus plainte », se réjouit le Dr Célia Levavasseur.
Surcoût élevé
D’autres praticiens, luttant pour faire reconnaître leurs droits, iront peut-être jusqu’au bureau du juge.
L’arrêté de novembre 2013 (lire ci-dessous), censé mettre les hôpitaux en règle sur la reconnaissance des astreintes et l’indemnisation de la continuité des soins des PH, n’est que très partiellement appliqué.
Que se passerait-il, si l’ensemble des praticiens hospitaliers concernés par les astreintes opérationnelles (chirurgiens, radiologues, cardiologues interventionnels...) exigeaient l’application immédiate de la réglementation ? La Fédération hospitalière de France (FHF) a fait ses calculs. Les dépenses liées à la permanence des soins hospitalière bondiraient alors de 30 %.
L’absence de repos compensateur après une astreinte déplacée est l’un des points durs. Systématiser cette pause de 11 heures impliquerait d’alléger l’activité programmée et de renforcer les effectifs. Baisse des recettes T2A d’un côté, hausse des dépenses salariales de l’autre : les directions d’hôpital ont le pied sur le frein.
Les internes aussi voient d’un mauvais œil l’application de l’arrêté. Ils craignent de devoir jouer les bouche-trous (à moindre coût), et de récupérer des lignes de garde supplémentaires. Des discussions sont en cours à ce sujet au sein du service de radiologie des Hospices civils de Lyon. « La nuit, on est là pour apprendre aux côtés des PH, pas pour faire tourner l’hôpital », met en garde Emmanuel Loeb, président de l’ISNI.
Les médecins font valoir leur droit à la santé
La perspective du tribunal inquiète vivement les chefs d’établissement.
Un cabinet d’avocats, sollicité par la FHF, rappelle que la non-application de l’arrêté est « une faute ». Face au risque contentieux, le cabinet conseille de modifier le règlement intérieur de l’hôpital, afin de légitimer les éventuelles dérogations en place.
Mais des dérogations, le corps médical, bien souvent, n’en veut pas. « Notre santé et celle de nos patients est en jeu, insiste le Dr Yves Rébufat, président du SNPHAR-E (syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs élargi). Personne ne prendrait l’avion avec un pilote qui n’a pas dormi depuis 24 heures ».
Quid en cas de pépin au bloc au lendemain d’une astreinte non suivie du repos obligatoire ? Il n’y a ni précédent, ni jurisprudence. « Le juge pourra considérer que c’est une faute détachable du service », anticipe le syndicaliste. Qui espère que les assureurs ne se défausseront pas.
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