Avec sa carrosserie jaune fluo, son allure sportive et ses gyrophares bleus, elle ressemble à toutes les autres. Et pourtant, trois discrètes lettres inscrites sur ses flancs distinguent cette ambulance qui sillonne les routes de la capitale suédoise. « PAM », comme Psykiatrisk Akut Mobilitet : la toute première unité psychiatrique mobile de Suède.
Inaugurée en mars 2015, cette ambulance roule ainsi entre 15h et 1h du matin, 7 jours sur 7, pour assurer la prise en charge des urgences psychiatriques dans tout le comté de Stockholm, soit 2,3 millions de personnes. Cette mission clef n'était jusqu'alors dévolue qu'à la seule police suédoise, posant d'inévitables questions d'efficacité voire de légitimité. Une bizarrerie à laquelle Fredrik Bengtsson, le chef des urgences psychiatriques à l'hôpital public Saint Görans de Stockholm, a donc voulu s'attaquer. « L'idée me trottait dans la tête depuis une quinzaine d'années et un voyage de travail à Saint-Pétersbourg. J'y avais découvert que les urgences russes faisaient rouler des ambulances 100 % psy depuis… 1965. Il était temps de faire pareil en Suède », raconte le Dr Bengtsson. Il pilote donc un premier test, il y a quelques années, avec l'accord du comté. Il ne s'agit alors pas d'une ambulance, mais d'un fourgon de police, « spécialement relooké pour ne pas ressembler à un fourgon de police ». À son bord : deux policiers et un infirmier. L'expérimentation est très concluante pour tout le monde… sauf pour le nouveau chef de la police de Stockholm, peu ouvert aux innovations de terrain. Le projet est enterré. « Police et hôpital sont deux mondes qui ne dialoguent pas très naturellement ensemble… », ronchonne Fredrik Bengtsson.
Des soignants plutôt que des policiers
Le projet est toutefois relancé en 2015. Le dossier est cette fois présenté au gouvernement suédois, qui le valide, et débloque une enveloppe de 10 millions de couronnes (environ 1 million d'euros). Le mois prochain (mars), les deux ans d'expérimentation seront écoulés et le programme PAM est un succès. L'autorité centrale de santé a décidé de rendre permanent le dispositif. L'ambulance a d'abord inventé une prise en charge pré-hospitalière des urgences psy qui n'existait tout simplement pas en Suède. Ensuite, et c'est une farouche volonté du chef du projet, elle permet de déstigmatiser les malades psys, en arrêtant d'envoyer à leur chevet des policiers plutôt que des soignants. « Aujourd'hui, la police est encore présente sur environ 50 % des cas, pour raisons de sécurité, mais elle n'intervient qu'en cas de besoin », souligne Fredrik Bengtsson.
Une pratique inédite
Enfin, l'ambulance PAM a permis de développer une pratique inédite : la prise en charge psy à domicile. Les infirmiers interviennent et pratiquent les soins, si cela est possible, chez le patient. L'avantage est double, selon le patron des urgences du Saint Görans Hospital : « Pour le patient, le domicile est un cadre bien moins anxiogène qu'un service d'urgences ; pour l'hôpital, c'est intéressant d'un point de vue financier ». En effet, un tiers des patients restent chez eux après la prise en charge. L'objectif affiché de PAM est clair : lutter contre le suicide. Si le nombre de victimes de suicide en Suède a beaucoup baissé après les années 1980, il stagne depuis près d'une décennie, autour des 1 500 décès annuels (très proche de la moyenne européenne). Surtout, il demeure prévalent chez les jeunes de moins de 25 ans et les personnes âgées de plus de 75 ans. Depuis son lancement, l'ambulance intervient en moyenne 5,1 fois par shift de 10 heures, soit plus de 1 800 cas par an. Elle est mobilisable uniquement via le 112, le numéro qui centralise les appels d'urgence en Suède. Le véhicule, légèrement réaménagé (2 sièges ont remplacé le brancard), emploie cinq temps plein d'infirmiers. Une seconde ambulance pourrait être ajoutée cette année, et les horaires amplifiés. Fort de son succès, le dispositif est parti pour essaimer dans toute la Suède. Göteborg, deuxième ville du pays, l'a adopté l'année dernière, et Malmö, la troisième, le fera cette année.
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