La chambre régionale des comptes des Hauts-de-France a rendu le 24 juillet un rapport édifiant sur l’accueil et le traitement des urgences hospitalières au centre hospitalier de Laon, dans l’Aisne, qui révèle à quel point cet établissement se substitue à la médecine de ville pour des soins courants.
Dans cet hôpital situé dans un département aux indicateurs de santé publique dégradés et au contexte socio-économique défavorisé, les magistrats mettent en lumière le rôle palliatif de l’établissement, qui supplante la médecine de ville de premier recours, en grande souffrance. Au point de fonctionner lui-même comme une sorte de cabinet médical ouvert 24 heures sur 24.
Pénurie de généralistes et de pédiatres libéraux
L’hôpital détient un service de médecine d’urgence comportant un Samu, un Smur et une structure d’accueil. Cette dernière a accueilli 34 000 personnes en 2022. Mais deux chiffres forts ressortent du rapport : moins de 1 % des entrées sont de « véritables urgences vitales », tandis que plus de 80 % des patients repartent ensuite à leur domicile, « mettant en évidence un recours à l’hôpital afin de pallier les carences de la médecine de ville », déplore la chambre régionale.
Dans le détail, le bassin de vie de Laon, ville de 24 000 habitants, présente une densité de médecins généralistes libéraux extrêmement faible. En 2022, on comptait 54 médecins pour 100 000 habitants (contre 82 pour la région et 84 pour 100 000 en moyenne nationale). Deux tiers de ces médecins de famille ont plus de 55 ans (contre 49 % dans la région et en France).
En pédiatrie, la pénurie est encore plus sévère. Le département ne compte que 42 pédiatres alors que 100 000 enfants de moins de 14 ans y résident. En ville, « à Laon, il n’y a plus que deux pédiatres, en fin de carrière », notent les rapporteurs. Avec une quarantaine de passages par jour, les urgences pédiatriques représentent près de 40 % de l’activité du service d’urgences. « La difficulté à recruter des pédiatres rend cette tendance problématique », euphémise la chambre régionale, et ce d’autant qu’un audit réalisé en 2023 a constaté une « saturation de la pédiatrie ». La hausse du volume d’activité devrait se poursuivre, compte tenu d'éventuels départs en retraite des pédiatres libéraux.
Plus globalement, l’offre de soins est « peu organisée » en médecine libérale, et l’hôpital paye les pots cassés. L’Aisne possède un service d’accès aux soins (SAS) qui entre tout juste en phase de déploiement. Le centre hospitalier héberge certes l’une des deux maisons médicales de garde du département mais les libéraux qui y exercent sont eux aussi débordés. En 2023, lit-on, « la structure est demeurée saturée avec plus de 80 passages le dimanche et une forte activité pédiatrique nécessitant l’appui du pédiatre du centre hospitalier ». Lors d’afflux élevé, « la qualité des soins peut se dégrader avec des consultations durant parfois cinq minutes ».
Aux urgences pour de simples consultations
Le rapport s’attarde donc aussi sur la nature des soins prodigués aux urgences et sur le profil des patients. Un peu plus de 80 % des passages sont d’une gravité de niveau 2 sur une échelle qui va de 1 (état lésionnel et/ou pronostic fonctionnel jugés stables) à 5 (situation pathologique engageant le pronostic vital). Si 80 % des urgences générales se terminent par un retour à domicile, s’agissant de la pédiatrie, ce pourcentage grimpe à « près de 94 % […], mettant en évidence que la majorité des venues ne relèvent pas des urgences, mais de simples consultations ». L’augmentation continue de l’activité pédiatrique associée à la présence « insuffisante » de spécialistes fait craindre à la chambre régionale une fermeture du service d’urgences pédiatriques « si cette évolution se poursuit ».
Enfin, plus de sept patients sur dix arrivent aux urgences par leurs propres moyens, largement devant les ambulances (19 %) et les services de secours (7 %). Autre signe que les urgences sont considérées par défaut comme un cabinet de médecine générale, la majorité des arrivées (40 %) ont lieu en semaine durant la journée, 35 % la nuit entre 20 heures et 8 heures et un quart le week-end. En 2022, la durée moyenne d’attente aux urgences était de 2 h 51. Elle était de 5 h 34 pour les plus de 75 ans.
À Laon, qui soigne les patients ?
À l’hôpital, les urgences tournent en semaine et le samedi matin grâce à la présence d’un interne, qui intervient sous la responsabilité et la supervision d’un médecin senior. En dehors de ces plages horaires, la PDS prend le relais avec quatre lignes de garde. En 2023, l’hôpital compte 15 urgentistes (en équivalent temps plein) et six pédiatres, dont un seul à temps plein. L’équipe est complétée par des internes et des FFI. En pédiatrie, « l’ARS a constaté l’insuffisance de personnel médical disposant de la plénitude de l’exercice au regard des exigences du code de la santé publique et a enjoint le centre hospitalier à corriger la situation. Cette dernière demeure insatisfaisante », déplore la chambre régionale. Comme beaucoup de petits hôpitaux, l’hôpital de Laon a recours à l’intérim. Mais pour les urgences adultes, l’établissement a fait le choix de financer du temps de travail additionnel (TTA) et de privilégier les contrats de gré à gré.
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