2018, annus horribilis. Le mois de janvier était à peine entamé que SAMU-Urgences de France (SUDF) tirait déjà la sonnette d'alarme en lançant son opération « No bed challenge ».
Cette initiative consiste, pour chaque hôpital, à faire le décompte du nombre de personnes ayant passé la nuit dans un service d'urgences, souvent dans les couloirs, faute de lits d'aval disponibles. Un moyen d'alerter sur la situation catastrophique de services saturés. Une étude de la DREES (ministère de la Santé) publiée en juin met en évidence la croissance inexorable de 3,5 % en moyenne du nombre de passages, année après année, depuis vingt ans. Avec 21 millions de passages, 2018 n'a pas fait exception.
Dans ce contexte, les professionnels ont montré des signes accrus d'inquiétude à l'approche de la période estivale, habituellement tendue pour les urgences et ce malgré l'énergie déployée par Agnès Buzyn pour « monitorer » la situation. Pas convaincue, l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) a publié au milieu de l'été une étude qui cartographie 150 services à forts risques psychosociaux pour les équipes. À Caen, Bourges ou Troyes, le manque criant de médecins urgentistes ou d'anesthésistes a obligé hôpitaux ou cliniques à fermer tout ou partiellement services et lignes de SMUR.
Nœud gordien
Les SAMU ont aussi souffert d'une détérioration brutale de leur image auprès des Français. En cause : le décès tragique et très médiatisé de Naomi Musenga, une jeune strasbourgeoise de 22 ans, moquée au téléphone par une opératrice.
L'affaire a mis en lumière une série de dysfonctionnements. À Tours, Saint-Etienne ou Cahors, des cas similaires ont été signalés. Surfant sur la vague d'indignation née de l'affaire Musenga, « Le Point » a classé dans son palmarès annuel des hôpitaux les SAMU de France en fonction de leur taux d'appels décrochés. Résultat, en 2017, 4,6 millions de patients n'ont pas réussi à joindre un opérateur.
Ce chiffre pointe l'impérieuse nécessité d'une réforme du système de régulation. Une feuille de route, commandée par Ségur aux différentes organisations d'urgentistes a ainsi été remise à la ministre au début du mois de juillet. Elle prévoit notamment l'homogénéisation sur le territoire de la formation des assistants de régulation médicale (ARM), la certification qualité de tous les SAMU de France et l'accréditation en équipe (médecins régulateurs, paramédicaux et ARM).
Autre piste maintes fois évoquée sans jamais faire l'unanimité chez les professionnels : le numéro unique d'urgences. Fin 2017, Emmanuel Macron en personne propose devant les pompiers l'instauration d'un 112 à l'américaine. En octobre de cette année, Gérard Collomb, dans ses derniers jours à Beauveau, relance l'idée. Les médecins libéraux montent aussitôt au créneau pour défendre leur 116 117, numéro de la permanence des soins ambulatoires distinct du 15. À l’inverse, le député et urgentiste Thomas Mesnier (qui a rendu en mai un rapport sur les soins non programmés) préconise la généralisation du 15 comme numéro unique de santé, une solution qui plaît à certains urgentistes (SUDF) mais pas à d'autre (AMUF).
Ce nœud gordien, l'exécutif va laisser aux inspections générales des affaires sociales (IGAS) et de l'administration (IGA) le soin de le trancher. Dans leur rapport dévoilé mi-décembre, les experts préconisent la mise en place d'un numéro unique d'urgences basé sur le 112 et reposant sur des plateformes suprarégionales de gestion des appels. Ils insistent aussi sur la nécessité de déployer en parallèle le 116 117 pour la prise en charge des soins non programmés, à la grande satisfaction des médecins libéraux, au grand désarroi des urgentistes.
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