Deux internes des Hospices civils de Lyon ont créé le projet Marti, une application pour faciliter l’accueil aux urgences des patients non francophones, testée avec succès aux urgences pédiatriques. Ses créateurs souhaitent maintenant l’intégrer aux logiciels métier des médecins et ont lancé une campagne de financement participatif afin de poursuivre son développement.
Les fondateurs de l’application vont prochainement créer une start-up pour développer la première version commerciale de leur projet pour la pédiatrie et, si cela fonctionne, en médecine adulte puis peut-être en médecine ambulatoire.
Un questionnaire avec des pictogrammes
En 2018, Quentin Paulik et Iliès Haddou, alors externes en médecine, ont identifié la problématique de la langue aux urgences et ont voulu monter un projet sur ce thème dans le cadre du Hacking Health Lyon. En effet, plus de 21 millions de personnes se rendent aux urgences chaque année en France, dont plus d’un million parlent peu ou mal le français.
« Ces patients sont allophones pour des raisons diverses. Ils sont touristes ou immigrés, sourds et/ou muets, ou encore souffrent de troubles de la communication de type dysarthrie ou aphasie, énumère Quentin Paulik, désormais interne en médecine générale à Lyon. Les outils de traduction ne sont pas très utilisés aux urgences, car ils sont chronophages et parfois source d’erreur. Or, l’interrogatoire, c’est 80 % du diagnostic, donc si on ne le fait pas bien, on peut passer à côté de beaucoup de choses. »
Au cours du Hacking Health, les deux étudiants ont pu s’entourer de deux designers, deux développeurs et deux ergothérapeutes. C’est ainsi qu’est né le projet Marti (Moyen d’assistance rapide à la traduction de l’interrogatoire). « Il s’agit d’un outil sur tablette pour patients allophones. L’idée est de leur faire remplir un questionnaire dans leur langue, avec des pictogrammes, pendant leur temps d’attente - souvent long - aux urgences », détaille Quentin Paulik. Un compte rendu traduit en français est ensuite transmis au médecin, qui peut alors se concentrer sur ce qui fait sa valeur ajoutée : les explications données aux patients et l'échange une fois le diagnostic établi.
Une application disponible en 12 langues
« Nous avons élaboré une arborescence avec 250 questions pour les urgences pédiatriques. Selon les réponses du patient, cela ouvre sur de nouvelles questions pour donner des précisions », poursuit l'interne. Si le patient a de la fièvre, par exemple, l’application va demander si la température a été prise et, si oui, sa valeur maximale.
Les questions sont disponibles en 12 langues, grâce à l’aide d’interprètes professionnels : français, anglais, italien, espagnol, portugais, arabe (littéraire et arabizi), albanais, géorgien, roumain, russe et turc. « Les équipes paramédicales du lieu de l’expérimentation ont pu recenser pendant quatre mois les langues les plus parlées des patients allophones, avant de choisir celles-ci », précise Quentin Paulik. Quelque 500 pictogrammes ont également été élaborés, puis testés auprès d’associations de migrants, pour faciliter la compréhension en cas d’illettrisme.
La société d'accélération du transfert de technologies (SATT) lyonnaise Pulsalys a accordé un financement de plusieurs dizaines de milliers d’euros au projet et a mis en lien ses créateurs avec le laboratoire de linguistique interactionnelle ICAR de Lyon (ENS, CNRS, Université Lyon 2). En juin 2021, l’outil a été expérimenté aux urgences pédiatriques de l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Lyon, auprès de 22 patients dont 9 francophones. « Cela nous a permis de voir les choses à améliorer et de préparer une deuxième version, en place aux urgences pédiatriques depuis mi-août », explique l’interne. Le questionnaire prend entre 5 et 15 minutes. « Nous avions peur que les patients se lassent, mais en réalité l’application est assez ludique grâce aux pictogrammes et ce n’est pas un problème », observe-t-il.
Prochaine étape pour le projet Marti : « Nous voudrions que le compte rendu soit intégré aux logiciels médicaux, mais c’est très complexe, car ils ne sont pas interopérables », pointe Quentin Paulik. La campagne de financement participatif lancée début février a pour objectif de récolter 8 000 euros pour continuer le développement du projet.
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