Si, été après été, certains services d'urgences à l'hôpital public prennent bien malgré eux l'habitude de travailler en tension, le mouvement de grève qui anime près de 200 d'entre eux depuis cinq mois est inédit à plus d'un titre.
La France compte 545 services d'urgences générales (hors pédiatrie), dont 389 en hôpital public, indiquait en juillet la DREES (ministère de la Santé) dans son panorama 2019 des établissements de santé.
Lancée par des paramédicaux de Saint-Antoine (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) mi-mars à la suite d'agressions à répétition, la grogne surprend par son effet de contagion, souvent facilité par les réseaux sociaux. Au 13 août, le collectif Inter-Urgences (créé à Paris mais qui fédère désormais les actions au niveau national) affichait sur sa nouvelle carte de France interactive 218 services d'urgences en grève (le ministère en comptait la veille 195). 15 de plus que mi-juillet et 123 de plus que mi-juin selon la même source. Le déblocage le 14 juin par le gouvernement de 70 millions d'euros en réponse à la crise n'a ne semble-t-il pas eu l'effet escompté.
Dernière illustration en date du ras-le-bol des soignants : au CHU de Lille, les paramédicaux, écœurés d'un temps d'attente « de six heures avant une prise en charge » infligé aux patients, ont interpellé à la veille du week-end du 15 août la ministre de la Santé en reprenant l'air du « P'tit Quinquin » – relayé par France 3 Hauts-de-France.
Le sentiment de dégradation des conditions de travail, voire des soins, est le plus souvent à l'origine de la colère des personnels. C'est le cas aux urgences de Saint-Quentin (Aisne), en grève illimitée depuis le 27 juin. Une protestation qui n'a pas empêché un patient de 70 ans de « stagn[er] aux urgences pendant six jours et 12 heures », s'est ému le collectif Inter-Urgences en fin de semaine dernière. Contacté par l'AFP, l'hôpital s'est défendu en justifiant une décision « médicale » et non « d'organisation ».
Le 15 août, les personnels des urgences de l'emblématique hôpital marseillais de la Timone (AP-HM) ont également rejoint le mouvement pour le même motif. Sans moyens humains, financiers et matériels, ils ne peuvent plus soigner correctement leurs patients, relate France Bleu Provence.
Stabiliser les équipes médicales
Alors qu'elle se contentait jusque-là de soutenir un mouvement auquel les praticiens hospitaliers (PH) n'adhèrent que de loin, l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) a durci sa position le 9 août en réclamant à la ministre de la Santé des mesures « immédiates » pour « stabiliser les équipes dans les territoires » et valoriser le travail des médecins urgentistes, privés des primes sorties du chapeau d'Agnès Buzyn au début de l'été.
L'organisation présidée par le Dr Patrick Pelloux recycle sa proposition d'aligner l'indemnité de garde complète (nuit, dimanche et jour férié) des PH (264,63 euros) sur celle des hospitalo-universitaires (473,94 euros). Elle suggère également le rétablissement de la capacité de médecine d'urgences (CAMU) et l'octroi « systématique » de l'ancienne prime multisite de 392 euros par mois – remplacée en 2016 par la prime d'exercice territorial. « Ces mesures permettraient d'aligner le montant des rémunérations des praticiens qui effectuent du temps de travail additionnel sur le montant moyen des rémunérations en intérim », insiste l'AMUF, qui estime par ailleurs qu'Agnès Buzyn, en « stigmatisant » les praticiens intérimaires, se trompe de combat.
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