« Nous avons dépassé les 24 millions de passages annuels aux urgences en France, c'est vous dire l'ampleur du drame d'organisation qui touche les patients, les familles et les professionnels », a résumé, désabusé, le Dr Patrick Pelloux, lors du débat organisé samedi dernier à Paris par l'Association des médecins urgentistes de France (AMUF) dont il est président.
Lors des trois heures de discussion, le décès survenu en décembre à l'hôpital Lariboisière (AP-HP) a été évoqué à plusieurs reprises, preuve qu'il a marqué les esprits et incarne les maux du secteur. Comment une femme de 55 ans a-t-elle pu être retrouvée morte aux urgences, 12H après son admission, après une nuit d'attente, sans voir de médecin ? Le CHU francilien avait reconnu, à la lumière de l'enquête interne, « un certain nombre de non-conformités » dans la prise en charge de la patiente (identification, surveillance, délais...). En cause notamment, la suractivité du service ce jour-là, le sous-effectif et le manque de surface des urgences.
Le Dr Maxime Gautier, praticien hospitalier (PH) à temps plein aux urgences de l'hôpital Lariboisière, se montre peu optimiste tant les dysfonctionnements sont chroniques. « Cette situation aurait pu arriver malheureusement de nombreuses fois avant et risque encore de se reproduire », a prophétisé le médecin de 34 ans, lors de cette discussion.
Des alternatives qui font défaut
Le médecin écarte néanmoins l'idée avancée par un riverain de l'hôpital, présent au débat, mettant en cause l'installation d'une salle de consommation à moindre risque dans les locaux de Lariboisière comme facteur d'engorgement accru des urgences. Le praticien incrimine plutôt le manque de structures d'accueil alternatives aux urgences générales pour certaines catégories de population. « Ce n'est pas tant la présence d'une salle de shoot qui surcharge les urgences mais plutôt notre proximité avec la plus grande gare d'Europe qui, comme toutes les gares, crée des zones d'errance drainant une population précaire ou en souffrance psychiatrique », analyse le Dr Gautier.
Les carences de l'offre médicale alternative aux urgences ont aussi été dénoncées par une éducatrice spécialisée exerçant en Seine-Saint-Denis. « La déconfiture de la pédopsychiatrie, de la PMI et de la médecine de ville nous contraint à recourir uniquement aux urgences générales en cas de problème », explique-t-elle. Un constat partagé par ce médecin du travail installé sur le campus d'Orsay (Essonne). « Les cabinets de généralistes sont pleins donc quelqu'un qui arrive avec une douleur abdominale par exemple, la seule solution c'est de l'envoyer aux urgences ».
Malgré la richesse de ce forum, difficile de faire émerger des solutions consensuelles. Au risque de se mettre à dos ses confrères libéraux, le Dr Anne Gervais, vice-présidente de la commission médicale d'établissement de l'AP-HP, a suggéré un tour de vis. « Peut-être que dans ce grand débat, si on veut avoir des meilleurs services d'urgences, on pourrait proposer de supprimer la liberté d'installation ».
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