C’est une véritable épreuve de force à laquelle se livrent le gouvernement et les carabins marocains. Le ministre de la Santé Houssein El Ouardi a présenté en avril dernier un projet de loi dont l’objectif est d’endiguer désertification médicale du royaume.
En déficit de personnel médical selon l’OMS, le Maroc, qui compte 22 000 médecins, ne parvient pas à pourvoir certains postes de praticiens dans les zones isolées. Le service médical obligatoire (SMO) est donc apparu au gouvernement comme une solution. Si le texte qui est toujours en discussion est adopté, les nouveaux médecins se verront contraints d’exercer durant deux ans dans une zone sous médicalisée.
Les multiples demandes d’audience déposées par les grévistes auprès du ministère de la Santé sont restées sans réponse. Très suivi, le mouvement s’est traduit par de multiples manifestations dont une marche nationale le 17 septembre dernier à Rabat. Le mouvement a pris une nouvelle envergure le 1er octobre lorsque les étudiants ont été rejoints par les résidents et internes des CHU. Mais pour l’heure rien n’y fait, le gouvernement ne cède pas. « Le boycott de la rentrée universitaire était notre seule arme pour pousser le ministre à ouvrir le dialogue », explique Hassnaa Boutalja, présidente du conseil des étudiants en médecine de Casablanca. Les négociations sont ouvertes depuis la semaine dernière et n’ont pour l’heure donné lieu à aucun accord.
Difficiles conditions de travail
Pourquoi une telle opposition au service médical obligatoire ? Avec le SMO, les médecins ne sont pas intégrés à la fonction publique. Ils n’ont donc aucune garantie d’embauche à la fin de ces deux années de service. Particularité marocaine, le royaume compte deux facultés privées de médecine à Casablanca (2010) et Rabat (2014). Or les diplômés de ces facultés ne sont pas concernés par le service obligatoire. Les grévistes n’admettent pas cette discrimination. « Nous sommes prêts à travailler dès demain dans les régions les plus précaires mais à condition d’être intégrés en tant que fonctionnaires », assène Hassnaa Boutalja.
Autre enjeu : les zones rurales ne sont pas pourvues de centres permettant aux nouveaux arrivants de remplir leur fonction. « Les conditions de travail dans ces zones sont lamentables. Ces jeunes diplômés ont besoin d’être encadrés et non d’être livrés à eux-mêmes sans aucun moyen », souligne le Dr Ali Benabderrazak, anesthésiste-réanimateur à la clinique Essaada de Safi et vice-président du conseil régional Marrakech-Safi. À l’instar de Safi, les hôpitaux publics de certaines villes sont eux-mêmes en manque de matériel, d’infrastructures et de moyens humains.
Des revendications diverses
Les revendications des grévistes vont au-delà de la suppression du service médical obligatoire et visent des maux récurrents du système de santé marocain. « Nous manquons cruellement d’encadrement. En service, il y a un enseignant pour plus de cinquante internes, ce n’est plus acceptable », déplore un étudiant de Rabat. Le ministre de l’Enseignement supérieur a prévu de rencontrer les représentants des étudiants afin d’enregistrer leurs doléances.
Autre grief, la bourse que reçoivent les externes n’a pas évolué depuis 1993. Les étudiants demandent que son montant, bloqué à 110 dirhams par mois (10 euros) pour les 3e et 4e années, soit revu à la hausse. L’ensemble de ces demandes n’est pas toujours compris par la population marocaine. L’opinion publique semble basculer en faveur du gouvernement.
Malgré l’amorce d’un dialogue, la tension n’est pas encore retombée. Ni les étudiants ni le gouvernement ne veulent céder du terrain. « Nous sommes prêts à aller jusqu’à l’année blanche », assure Hasnaa Boutalja.
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