À travers 130 témoignages recueillis par le Dr Valérie Auslender, externes, internes et élèves paramédicaux racontent les maltraitances subies lors de leurs stages hospitaliers.
Dans son travail de collecte, le Dr Auslender a catégorisé différents types de violences, chronique d'une souffrance banalisée.
La déshumanisation et l'acharnement par la hiérarchie ou les pairs regroupent 22 récits. « Les violences en stage, on n'en parle même plus après quelques années. Ça fait partie du pack "études de médecine" et de toutes les épreuves que ça comprend, résume une interne amère (...) On m'a déjà interdit de prendre une pause alors que je demandais dix minutes pour manger après être restée debout au bloc opératoire de 9 h 30 à 17 h 30 sans interruption ».
Plus rare, une jeune généraliste dénonce l'humiliation subie à cause de sa religion. En premier semestre d'internat, elle se restaure dans la salle de garde. Au menu : raclette et vin rouge. « L'économe – responsable de la salle de garde – met l'ambiance. (...) Il me prend à partie : "Ouhhhh la petite, viens à côté de l'économe !".(...) Très gentiment, il se propose de me servir à manger mais étant de confession juive, je ne mange pas de charcuterie et je ne bois pas de vin (...) Forcément, quand on refuse ce que l'économe propose, on déclenche ses foudres : "Ooooh, tu nous fais chier avec ta religion de merde… Qui veut qu'elle sorte ? " Tout le monde a commencé à crier pour montrer son approbation ».
« Incapables, nuls »
Une quinzaine de témoignages ciblent les abus de pouvoir, source de brimades ou d'insultes. « Chacun de nous devait pour la première fois présenter le dossier d'un patient pendant le staff du midi (...) Des chuchotements et des regards rieurs du côté des seniors furent perceptibles. On se fit humilier, traiter d'incapables, de nuls et ce fut enfin fini », témoigne un externe. Une élève infirmière raconte les remarques systématiquement désobligeantes de sa tutrice. « Toutes les nuits, les mêmes termes : "nulle", "lente", "empotée". (...) J'allais en stage la boule au ventre ».
Divers récits chargent l'organisation hospitalo-universitaire, la dureté des services de chirurgie. Travailler dans ces spécialités prestigieuses a un prix, résume une externe. « 120 heures de travail hebdomadaire pour zéro euro (...) Gratos pour le CHU. On est devenus plus rentables que des ouvriers chinois ».
Propositions indécentes
Le harcèlement sexuel est longuement abordé. Une interne de chirurgie raconte les assauts de son PU-PH, marié et père de famille. « Après les clins d'œil, j'ai eu d'abord droit aux petites tapes sur les fesses avec des réflexions comme : "Alors, on est nue sous la blouse ?" ». Une infirmière relate son calvaire avec son encadrant très insistant et brandissant la menace d'une mauvaise évaluation. « Lors de mon troisième jour (...) il m'a demandé mon numéro de téléphone et devenait de plus en plus proche par ces gestes : embrassades et accolades. (...) À chaque fois que je refusais ses propositions, il me parlait de ma feuille d'évaluation ».
Les propos sexistes sont monnaie courante. Une étudiante en cinquième année de médecine en a fait les frais dans un service d'urologie, lorsque son évaluateur presse « les filles de surtout venir en jupes ». « Au bloc, des médecins m'ont déjà demandé pour combien je serais prête à sucer le chef de service », ajoute-t-elle. Cette interne en pédiatrie évoque les « allusions salaces » en stage « dans l'indifférence générale ». « Les chefs et les autres internes – tous des hommes – n'ont jamais réagi… ».
Mais surtout, plusieurs témoignages font état d'idées suicidaires. Cette interne en radiologie raconte son semestre infernal dans un service de clinique où elle était tyrannisée par sa chef de service. Boulimie, vomissements : « Je ne voulais plus vivre dans ce monde de dingue. Je pleurais tous les jours quasiment. J'ai failli me foutre en l'air en voiture sur l'autoroute plusieurs fois ».
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