LE QUOTIDIEN : Une fresque du CHU de Clermont-Ferrand, à l’origine d’une polémique, a été accusée par certains de faire l’apologie du viol tandis que d’autres y voyaient une manifestation de l’esprit carabin. La condamnez-vous ?
MÉLANIE MARQUET : Nous ne condamnons pas cette fresque. Elle a été dessinée par deux étudiantes des beaux-arts il y a 15 ans dans un lieu privé, caché des regards du public et du reste du personnel. Elle relève de l’esprit carabin, marqué par un humour potache, scabreux, parfois scatologique. Osez le féminisme en a une interprétation exagérée. À aucun moment cette fresque n’a été le support d’une attaque personnelle, ni contre la ministre de la Santé, ni contre les femmes. Les bulles qui ont été ajoutées au dessin signifiaient : « Étudiant, informe-toi sur la loi de santé, sinon tu vas te faire avoir. » Nous dénonçons, en revanche, la récupération politique de cette fresque. Nous avons déposé une plainte en diffamation contre un conseiller de Marisol Touraine qui a cherché à décrédibiliser les internes mobilisés contre le projet de loi de santé. Et nous nous assurons que l’interne qui a diffusé cette photo n’est menacé d’aucune poursuite judiciaire.
L’esprit carabin a-t-il changé avec la féminisation du corps médical ?
Absolument pas. Les femmes comme les hommes sont attachées à l’esprit carabin, qui fonde le sentiment d’appartenance à la communauté des internes.
La communauté médicale ayant longtemps été masculine, l’humour carabin est assez sexiste, machiste, voire misogyne. Mais les femmes le pratiquent et peuvent en rire ; les traditions carabines ne se perdent pas. Cela reste de l’humour, on est dans le deuxième degré. La parité est respectée : les hommes en prennent autant pour leur grade que les femmes ! Traditionnellement, les fresques servent à singer les patrons, souvent des hommes.
L’humour est à la hauteur des difficultés auxquelles nous sommes confrontés : féminisation ou pas, nous avons besoin de ces sas de décompression. Sans oublier que ces traditions, ces salles de garde, ou cet humour ne sont imposés à personne. Il n’y a pas de passage obligé.
Plus largement, observez-vous une évolution des mentalités portée par la féminisation ?
Je dirais qu’il s’agit davantage d’un changement générationnel. Les médecins, hommes comme femmes, n’ont pas les mêmes aspirations que la génération précédente, notamment en terme de qualité de vie. Même si le métier reste une vocation, nous avons d’autres aspirations. Comme le reste des Français.
L’esprit un peu "bazar" des amphis de médecine s’est aussi adouci. Là encore, c’est moins lié à la féminisation qu’à une société de plus en plus policée, aux plans Vigipirate, aux pressions administratives, à la numérisation des cours, ou encore à la gestion du risque (les amphis à étage ferment sur demande des assureurs).
Enfin, le sexisme ordinaire, réel à l’hôpital, risque de perdurer. Le plafond de verre n’est pas propre aux études de médecine. Même si le corps médical se féminise massivement, les hommes tiennent les postes de pouvoir ou de représentants syndicaux, qui attirent moins les femmes. C’est la première fois que le bureau de l’ISNI est paritaire, et je suis la 2e ou 3e présidente en 40 ans, alors que nous sommes deux tiers de femmes dans les amphis.
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