Comme à chaque rentrée universitaire, les week-ends d'intégration (WEI) sont légion dans le pays de la Carabie. Mais à Caen, les étudiants de 2e année de médecine viennent d'apprendre l'annulation de leur WEI en raison de soupçons autour d'un bizutage ayant mal tourné l'an passé.
La décision, tombée le 23 octobre, fait suite à l'ouverture d'une enquête de police après que deux syndicats, Sud Éducation Calvados et SL Caen, ont signalé à la justice avoir reçu des plaintes relatives au week-end d'intégration organisé par la corpo de médecine de Caen en 2016. « Chaque année en septembre/octobre, la corporation envoie une liste d’environ 60 actions appelées "commandements" que des groupes doivent réaliser et filmer pour recevoir des "points" », précise la lettre des deux syndicats adressée début octobre à Pierre Denise, président de l'université de Caen Normandie, et au Pr Emmanuel Touzé, doyen de la faculté de médecine. Ce rite d'initiation devait permettre aux carabins de récolter des points en vue du WEI et « de gagner une récompense ».
Photocopier ses seins, donner une fessée dans la rue
Les 69 commandements, publiés sur un groupe Facebook privé, mêlent quelques actions louables comme « payer un sandwich à un clochard », des actes plus potaches mais aussi des humiliations à caractère sexuel, jusqu'à la réalisation d'un film pornographique.
Selon le barème consulté par « le Quotidien », plus l'acte est dégradant, plus il rapporte de points. Exhibitionnisme et attouchements sexuels font partie de la panoplie. Parmi les actes cités : « Traverser la rue Ec à poil un soir de forte affluence », « photocopier ses seins à la corpo », « donner une fessée à trois inconnu(e)s dans la rue en criant "t'aimes ça hein coquiiiiiiiine" », etc. On découvre aussi une incitation « à consommer de grandes quantités d’alcool », ou encore des « jeux » à caractère sexuel. « Des vidéos vantant ces pratiques sont régulièrement mises en ligne par la corporation de médecine et sont consultables à ce jour », dénoncent les deux syndicats. Contactée ce mardi par « le Quotidien », la corpo de médecine Caen n'a pas donné suite.
Les syndicats rappellent dans leur courrier que les jeunes de Caen ont déjà été épinglés dans un passé récent. En 2013, la corpo avait « diffusé des messages à caractère sexiste, voire d’incitation au viol ». En 2017, l'affiche du gala avait fait parler d'elle. Elle mettait « en scène une femme nue, ensanglantée et inconsciente entourée d’hommes hilares ». Elle avait été censurée à la demande de Sud Éducation et SL Caen.
Auditions
Joint ce mardi par mail, le Pr Emmanuel Touzé, doyen de l'UFR santé, confirme l'annulation du week-end d'intégration. « Il a été annulé le 23 octobre par la présidence de la corporation sur demande de la présidence de l'université et de la direction de l'UFR santé, explique-t-il. Nous manquions d'éléments précis sur les mesures de prévention et de sécurité entourant cet événement. D'autre part, des faits pouvant s'apparenter à du bizutage nous ont été signalés le 6 octobre par courrier. »
Interrogé sur des sanctions éventuelles, le doyen précise qu'il ne dispose d'aucun élément lié à l'enquête en cours. Pour rappel, le bizutage est interdit depuis 1998, passible de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. « Des auditions vont avoir lieu », a déclaré à l'AFP Carole Étienne, procureure de la République de Caen. Il s'agira de « faire toute la lumière sur des faits remontant à l'année dernière ».
Cette histoire fait écho à celle de la faculté de Paris-Est Créteil (UPEC). En 2016, le ministère de l'Enseignement supérieur avait lancé une enquête menée par l'Inspection générale de l'administration de l'Éducation nationale et de la Recherche (IGAENR), après un bizutage trash des étudiants en médecine de deuxième année lors du WEI organisé en 2015 à Créteil, révélé dans un article du « Monde ». La polémique avait conduit le président d'université à annuler le week-end d'intégration des carabins afin de prévenir tout dérapage.
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