À l’unisson, les internes ont lancé le 27 juillet une procédure judiciaire « de grande envergure », sous forme d'avertissement aux directions hospitalières. 400 courriers à destination des CHU et CH qui accueillent des carabins ont été envoyés, pour imposer aux établissements de respecter - enfin - le temps de travail maximum des juniors, borné à 48 heures mais dépassé chroniquement dans de nombreux services.
« L’heure du décompte a sonné », tonnent les centrales à l’initiative de la procédure : trois syndicats d’internes - l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), la FNSIP-BM pour les internes de pharmacie et de biologie médicale - et l’association de lutte pour la santé des étudiants en médecine Lipseim.
Respecter le repos compensateur
D'entrée de jeu, la lettre annonce la couleur : « votre établissement n’applique pas à ce jour le décret sur le temps de travail des internes et ses modalités de contrôle comme le préconise le Code de santé publique ». La loi impose en effet que des tableaux de services - nominatifs - soient arrêtés mensuellement par l’hôpital, afin que l’interne ne dépasse pas son temps de travail maximal, lissé sur un trimestre. Au-delà de 48 heures en moyenne, le carabin doit - en théorie - récupérer ses heures en repos compensateur.
Une « obligation » pour l’employeur, « qui n’est respectée dans presque aucun établissement de France », rappelle au « Quotidien » Théophile Denise, premier vice-président de l’Isnar-IMG. Résultat : alors que 70 % des juniors affirment exercer plus que 48 heures par semaine, ce dépassement « est source d’épuisement pour les internes mais aussi à l’origine de fortes problématiques pour l’hôpital car, les internes quittent ensuite le public dès qu’ils en ont l’occasion, et lorsqu’ils exercent en ville ont parfois de très mauvaises relations avec l’hôpital », analyse l’interne de médecine générale.
« Nous porterons plainte »
À la réception du courrier, les établissements auront trois mois pour se mettre en règle, exigent les internes. Pas de tableau de service, pas de récup… À défaut, « nous porterons plainte contre tous les CH et tous les CHU qui ne respectent pas la loi », avertit Théophile Denise. Comme le préconisait en juin dernier le Conseil d’État, l’affaire pourra donc être portée devant le tribunal administratif.
D’ici là, les syndicats d’internes comptent bien mener des contrôles dans les établissements. Et certains sont déjà dans le radar de l’Isnar : « nous connaissons déjà de nombreux hôpitaux qui ne respectent pas le temps de travail, ça va être facile de prioriser », affirme Théophile Denise, qui raconte avoir déjà reçu depuis ce matin « plusieurs appels des directions hospitalières destinataires de la lettre ».
Vent d'espoir
Le lancement de cette procédure judiciaire commune est dans les tuyaux depuis le mois de février, mais la décision rendue le 22 juin dernier par le Conseil d'État a fini de galvaniser les juniors. Saisi par l’Isni et les praticiens hospitaliers, la plus haute juridiction du pays avait certes rejeté leur demande d'obliger le gouvernement à renforcer les règles en vigueur pour décompter précisément le temps de travail. Mais cette défaite s’apparentait à un goût de victoire car, dans ses conclusions, le Conseil d’État avait, pour la première fois, sommé les services de mettre en place un « dispositif fiable, objectif et accessible » permettant de décompter « le nombre journalier d’heures de travail effectuées par chaque agent ».
Une décision « historique, probablement la plus grande avancée pour le droit des internes depuis 20 ans », s'enthousiasmait alors Gaétan Casanova, président de l’Isni. Dans la foulée, le syndicat Jeunes médecins avait décidé de mettre en demeure cinq établissements pour non-respect du temps de travail, dont les Hospices Civils de Lyon, les Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ou le CHU de Clermont-Ferrand.
Après des années de combat, les internes veulent aujourd'hui y croire. « J’ai bon espoir, je suis persuadé que désormais les établissements vont se dire qu’ils ne pourront pas faire autrement que de respecter le temps de travail des internes », pressent Théophile Denise. Le futur généraliste a rencontré la semaine dernière le ministre de la Santé, François Braun, « qui semble volontaire sur le temps de travail ».
« L’accès au secteur 2 pour tous, meilleur moyen de préserver la convention », juge la nouvelle présidente de Jeunes Médecins
Jeu concours
Internes et jeunes généralistes, gagnez votre place pour le congrès CMGF 2025 et un abonnement au Quotidien !
« Non à une réforme bâclée » : grève des internes le 29 janvier contre la 4e année de médecine générale
Suspension de l’interne de Tours condamné pour agressions sexuelles : décision fin novembre