Cette fois, le vent du boulet se rapproche. La semaine dernière, coup sur coup, des centaines de députés et sénateurs ont, en ordre dispersé, tiré à bout portant sur la liberté totale d’installation en médecine libérale.
La première salve est venue de l’Assemblée, avec une nouvelle proposition de loi (PPL) transpartisane de lutte contre les déserts médicaux portée par le tenace député socialiste de Mayenne Guillaume Garot. Ce texte, mijoté par une centaine de députés issus de neuf groupes parlementaires (de LR à LFI mais sans le RN), ambitionne de donner « un coup d’arrêt » aux inégalités d’accès aux soins qui s’aggravent. Preuve de sa force de frappe, cette PPL a déjà été signée par 237 députés de tous bords. Sa mesure phare ? Le conventionnement sélectif.
Les ARS aux manettes ?
Car selon Guillaume Garot, il n’est plus temps de tergiverser : près de sept millions de Français sont privés de médecin traitant, soit 11 % de la population. Depuis 2010, la densité médicale a diminué dans 61 départements. « Dans la Creuse, le nombre de médecins a baissé de 31 % alors qu’il augmente de 16 % dans les Hautes-Alpes. L’enjeu, c’est notre pacte républicain. L’accès à la santé ne doit pas dépendre de notre code postal », argumente le député socialiste. Dans sa proposition de loi de 16 articles, la régulation de l'installation, véritable « ADN du texte », est considérée comme l’arme ultime « si nous voulons être efficaces contre la désertification médicale », insiste son auteur, défendant ce levier « qui, ailleurs, a montré son efficacité ».
En pratique, ce texte qui sanctuarise le principe de conventionnement sélectif suggère de créer « une autorisation d’installation » accordée par l’ARS selon les territoires. Ce feu vert serait acquis « de plein droit » dans les seules zones déficitaires. En revanche, dans les lieux où l’offre de soins est satisfaisante, l’installation ne serait autorisée que si elle fait suite à la cessation d’activité d’un praticien de la même spécialité. « Il ne s’agit pas de supprimer la liberté d’installation mais simplement de l’encadrer pour répondre à des questions d’intérêt général », défend le député.
Pour l’heure, le groupe transpartisan souhaite engager un « débat non idéologique » sur cette proposition de loi à compter du premier trimestre 2025. Dans une Assemblée recomposée, les députés pro-régulation veulent croire que ce texte trouvera une voie de passage.
Décennie « noire »
La Haute Assemblée n’est pas en reste. Au nom de la commission de l’aménagement du territoire, le sénateur (app. LR) de l’Allier Bruno Rojouan a présenté les conclusions d’un touffu rapport sur les déserts médicaux, fruit d’une trentaine d’auditions. Avec, là encore, un même fil directeur : légiférer sur l’installation des médecins libéraux, profession qui échappe depuis des années aux tentatives d’encadrement du Parlement.
« Il y a urgence », alerte le parlementaire. En deux ans, la France a perdu 2 500 généralistes, passant sous la barre symbolique des 100 000 omnipraticiens (tous modes d’exercice). Nous sommes en pleine « décennie noire », insiste Bruno Rojouan. Pour le sénateur et ses soutiens, la stratégie est évidente : il faut mettre un terme à la liberté totale d’installation des médecins en trouvant la bonne formule. « On avait un doute sur l’acceptation de la régulation des dentistes, et finalement, c’est passé, insiste le rapporteur. Idem pour les kinés. Mais les médecins sont vraiment à part. Sauf qu’à un moment ou un autre, il va falloir réguler leur installation à eux aussi ! » Et de nuancer : pas question pour autant de « réguler la totalité de l’implantation médicale, ce qui serait une folie ». En revanche, conditionner l’installation dans les zones les mieux dotées à un « exercice partiel en zone sous-dotée, sous la forme de consultation dans un cabinet secondaire » semble pertinent. Le sénateur propose que les médecins s’emparent de cette idée afin de la « tester ». « Et s’ils n’en sont pas capables, on légiférera ! »
Darrieussecq entre deux eaux
Faut-il, oui ou non, empêcher les médecins libéraux de s’installer dans les territoires déjà bien pourvus ? La ministre de la Santé semble hésiter sur la marche à suivre. Si elle rappelle que son gouvernement est « dans l’incitation à l’installation », Geneviève Darrieussecq a mentionné, dans plusieurs interventions médiatiques, le principe de régulation acté par l’Ordre des dentistes (un départ pour une arrivée dans les zones bien dotées), invitant l’Ordre des médecins à y réfléchir aussi. Un premier coin enfoncé dans la liberté d’installation ?
Les libéraux, eux, n’hésitent pas. Dans un communiqué intersyndical, la totalité des syndicats représentatifs des jeunes comme des praticiens installés s’élèvent contre les initiatives « coercitives multiples ». Ils soulignent que la contrainte et la régulation à l’installation pour les jeunes médecins « sont de fausses solutions aux effets pervers » qui détourneront vers le salariat les nouveaux venus dans le paysage sanitaire, voire les inciteront à quitter le territoire ou leur profession.
Suspension de l’interne de Tours condamné pour agressions sexuelles : décision fin novembre
À Clermont-Ferrand, un internat où « tout part en ruine »
« Pour la coupe du monde, un ami a proposé quatre fois le prix » : le petit business de la revente de gardes
Temps de travail des internes : le gouvernement rappelle à l’ordre les CHU