Des études médicales plus courtes « d’un à deux ans » : la proposition choc de l’Académie de médecine

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Publié le 25/02/2025
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Dans un avis voté ce mardi 25 février, l’Académie de médecine propose une profonde refonte de la formation médicale initiale. Au menu : une réduction de la durée de l'externat et de l’internat d’une voire deux années, une licence en santé commune ainsi qu’une restructuration de la formation recentrée sur les besoins du terrain.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

C’est une position presque à contre-courant de la doctrine et des réformes actuelles. Dans un avis voté ce mardi 25 février 2025 et validé par 76 % de voix favorables, l’Académie de médecine propose une transformation radicale de la formation des futurs médecins et préconise de la raccourcir au niveau de l’externat et de l’internat pour mieux répondre aux besoins actuels et futurs de la population. Objectif : gagner une à deux année sur les maquettes actuelles.

Plutôt que « d’augmenter à 16 000 voire de doubler le nombre d’étudiants en médecine comme cela fut proposé par les autorités publiques » notamment à travers le numerus apertus, l’institution, emmenée par le Pr Guy Vallancien, rapporteur du groupe de travail ad hoc, recommande une augmentation limitée à 10 % des effectifs. Pour les académiciens à l’origine de cet avis, les nouvelles organisations de soins, l'utilisation de l'intelligence artificielle et le transfert de certaines compétences vers d'autres professionnels de santé (infirmiers, pharmaciens, sages-femmes, kinésithérapeutes etc.) permettront d'optimiser les ressources existantes et l’offre disponible.

Licence commune en santé

Pour répondre aux besoins de la population, l'Académie préconise plutôt de revoir totalement l’architecture de la formation initiale. Elle recommande ainsi la mise en place d'une licence en santé commune à toutes les disciplines (médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, kinésithérapie et formations paramédicales), comme le suggèrent également les organisations syndicales étudiantes. Ce cursus viserait ainsi « à gommer les défauts de la réforme PASS/LAS sans en abandonner les avantages, à savoir une diversification des futurs professionnels de santé, un arrêt du gâchis des deux premières années soldées par un échec et un véritable enrichissement culturel. Elle sera facilitée par la généralisation du modèle des facultés de santé intégrant l’ensemble des formations médicales et paramédicales », lit-on.

Dès la première année, les étudiants devront acquérir un socle commun de connaissances (50 % des ECTS) avant de choisir une spécialisation sur la base des résultats écrits et d’un oral de motivation. « L’étudiant conserverait une deuxième chance en fin de deuxième année, avec la possibilité d’une réorientation en troisième année sur la base de ses résultats écrits », est-il précisé.

Le programme serait rééquilibré : avec moins de sciences fondamentales, plus de biologie génomique, d’intelligence artificielle, de notions de management interprofessionnel et d’économie de la santé.

La deuxième et la troisième année se poursuivraient dans cette optique d’enseignements communs et de professionnalisation grâce à la réalisation de stages. L’examen écrit de la licence en santé donnerait droit à l’autorisation d’exercer pour les étudiants en sciences infirmières, en orthoptie, en orthophonie et en manipulation radiologique. Ce diplôme ouvrirait la voie à la médecine ainsi qu’aux autres masters.

Réduction de l’externat et de l’internat

Autre évolution majeure : la réduction de la durée de l'externat pour que les étudiants accèdent plus rapidement à la pratique. Actuellement d'une durée de trois ans, cette période pourrait être raccourcie à deux ans comme les masters classiques, grâce à une immersion clinique plus précoce. La sixième année de médecine deviendrait ainsi une première année commune du troisième cycle une fois les EDN (épreuves dématérialisées nationales) et les ECOS (examens cliniques objectifs structurés) passés, que l’Académie de médecine souhaite non classantes.

« Cette première année commune aurait vocation à enseigner des compétences génériques qui doivent être partagées par tous les médecins, quelle que soit leur spécialité, et à contribuer à la détermination du choix de spécialité », lit-on. Les internes auraient ensuite la possibilité de changer d'orientation après 6 mois ou un an. Ils suivraient des enseignements génériques et spécifiques, tout en poursuivant leurs stages dans différents services hospitaliers.

En ce qui concerne la poursuite de la formation des jeunes médecins, la société médicale propose qu’« un doctorat de 4 ou 5 ans [conclut] les études de médecine qui reposeront au total sur 9 à 10 années de formation (notamment pour les spécialités à gestes opératoires ou endoscopique), soit un schéma plus court de 1 à 2 ans ».

Le jeune professionnel disposera de temps pour préciser au cours de ses stages d’internat de 6 mois la spécialité choisie. « Cette réduction de la durée de la formation médicale initiale due en particulier aux moyens numériques de simulation et d’immersion s’inscrit dans une perspective de renforcement de l’articulation entre formation initiale et formation continue », fait valoir l’institution.

Régionaliser l’internat

Dans son avis, l’Académie de médecine propose par ailleurs de territorialiser l'internat en permettant aux étudiants de se former dans leur région d'origine. Actuellement, les choix de spécialité et de subdivision sont souvent contraints par le classement, ce qui peut nuire au bien-être des internes. En introduisant un système de pondération, l'idée de l’institution est de favoriser l'accès aux postes dans les régions sous-dotées, de favoriser les installations, tout en préservant la prime au mérite.

En fin de cursus, les jeunes médecins fraîchement diplômés pourront opter pour un clinicat de 2 ans renouvelables, effectué principalement en milieu hospitalier, en maison de santé (MSP) ou en centres de santé pour les généralistes. Ce parcours devra offrir des conditions attractives pour les jeunes médecins, avec une réévaluation de leur salaire et de leurs conditions, en prenant en compte leur engagement hospitalier et universitaire.

Enfin, le rapport insiste sur la nécessité d’un renforcement des moyens universitaires et hospitaliers et d’un pilotage plus efficace de la démographie médicale. L'Académie préconise une implication accrue des URPS, des conseils départementaux de l'Ordre des médecins et des caisses d'assurance maladie pour anticiper les besoins en professionnels et ajuster les formations en conséquence. Reste à voir si ces recommandations seront suivies par les autorités publiques.


Source : lequotidiendumedecin.fr