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Dossier

CMGF 2018

Les patients à l'honneur de votre congrès

Publié le 06/04/2018
Les patients à l'honneur de votre congrès

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Fiedels / Adobe Stock

Le Congrès de la médecine générale a ouvert ses portes jeudi au Palais des Congrès de Paris. Comme chaque année, près de 4 000 praticiens sont attendus. Ils devraient y croiser des patients, invités d’honneur de l’édition 2018.« Il fallait que le patient soit davantage représenté », confie le Dr Catherine Laporte, présidente du comité scientifique du CMGF. L’usager ne sera pas seulement présent dans les discours. Des malades ou représentants participeront notamment aux plénières sur le dépistage du diabète gestationnel, le patient dément, la démocratie sanitaire et participative ou encore la décision partagée. « Cela va du patient impliqué car concerné par la maladie, au patient expert qui veut comprendre et être concerné par l'organisation de ses soins, en passant par le patient au sein des associations qui a une expertise non seulement individuelle, mais aussi collective », explique le Pr Pierre-Louis Druais, président du Collège de la médecine générale. 

LE CHOIX DES PATIENTS

La décision partagée, une stratégie gagnant-gagnant

Cette année, le CMGF ouvrant ses portes aux patients, une plénière sur la décision partagée s’imposait ! Un sujet vedette, dont on parle de plus en plus. Pas si nouveau que cela cependant puisqu’en 2013, la Haute autorité de santé (HAS) publiait un document sur ce thème (état des lieux), indiquant que « la “décision médicale partagée” est un concept qui se développe depuis les années 1990, aussi bien en France que dans les pays anglo-saxons ».

Mais de quoi parle-t-on au juste ? Il s’agit d’une démarche spécifique de la pratique décisionnelle entre professionnel de santé et patient. La HAS indique qu’elle débute par un premier temps d’échange d’informations, de partage et de délibération. Puis un second temps de décision. « Cette démarche porte surtout sur des pathologies chroniques nécessitant un parcours de soins. Elle peut concerner une exploration complémentaire ou un traitement », ajoute Muriel Londres*, coordinatrice associative et co-modératrice d’une session plénière sur ce sujet au CMGF 2018**.

La décision partagée a pour objectif de mettre le patient au centre, en tenant compte de certaines de ses particularités, dont ses habitudes, conditions et choix de vie. Au final, la résolution sied aux deux parties. « Il est important de développer la pratique de la décision partagée pour des raisons de démocratie sanitaire et de qualité des soins », revendique Muriel Londres.

Des outils au service de la décision partagée peuvent être particulièrement utiles dans la pratique. Il en existe peu en France. En 2014, la HAS en publiait pour la contraception. L’un d’eux est destiné au public, un autre aux professionnels de santé. Pour le médecin, une fiche récapitule les points importants à aborder avec la personne qui consulte. La HAS se veut être très impliquée dans cette démarche. Elle publie d’ailleurs lors du CMGF 2018 une fiche méthodologique sur les “éléments pour élaborer une aide à la prise de décision partagée entre patients et professionnels de santé”. 

* du collectif [im]Patients, Chroniques & Associés qui regroupe 14 associations de patients concernés par la maladie chronique.

** La décision partagée : quelle place, apport et bénéfice pour les patients et les soignants ?, vendredi 6 avril   

PATIENTS ET PRESCRIPTIONS

Douleurs, l’écueil du tout antalgique

Après avoir été largement encouragées, les prescriptions d’antalgiques suscitent la réflexion, comme en témoigne la plénière du Collège organisé en collaboration avec l’ANSM sur “Le patient douloureux et les médicaments”.

Comme le rappelle le Dr François Lacoin (CMG), modérateur de cette session, « dans la douleur chronique, le substratum n’est pas seulement anatomique ou biologique, et le médicament ne constitue qu’un versant de la prise en charge. » Psychothérapie, acupuncture, hypnose, etc. : plusieurs techniques alternatives peuvent être utiles, mais pour le moment « ces approches ne sont pas prises en charge ».

Plus informelle, la relation médecin-patient « peut aussi être thérapeutique en soi », souligne David Le Breton (professeur de sociologie à l’université de Strasbourg), qui invite à questionner les patients sur le sens donné à leur douleur. « Le ressenti de la douleur varie en fonction de la signification qui lui est attribuée, explique le sociologue. Le simple fait de s’interroger sur cet aspect, de considérer le patient en tant que sujet et de revenir sur son histoire peut avoir une efficacité. »

Mésusage Un point de vue à considérer, alors que l’ANSM commence à pointer certaines « dérives » dans les prescriptions et les usages d’antalgiques. Pour les opioïdes, « même si nous ne sommes pas du tout dans la très grave crise sanitaire des États- Unis, certains indicateurs nous invitent à être vigilants », précise Nathalie Richard (ANSM). Si globalement, la consommation d’antalgiques a légèrement baissé au cours de la dernière décennie, celle des opioïdes forts a augmenté de plus d’un tiers (+ 37 %), avec une forte poussée du fentanyl et de l’oxycodone. Surtout, « on commence à voir une augmentation des hospitalisations et des décès liés aux antalgiques opioïdes chez les patients non usagers de drogues », rapporte Nathalie Richard qui appelle à respecter scrupuleusement les indications de ces médicaments. Autre point de vigilance : la montée en puissance des fortes doses de paracétamol avec, en 10 ans, une hausse de 140 % des dosages à 1 g. « Dans la plupart des cas, le 500 mg suffit ».

Début 2017, l’ANSM avait aussi épinglé la consommation d’ibuprofène pendant la grossesse, encore trop fréquente. Vu le risque d’atteintes rénales et cardio-pulmonaires pour le nouveau-né, ce médicament « est totalement contre-indiqué à partir du 6e mois et globalement déconseillé pendant toute la grossesse », rappelle Nathalie Richard. 

« Même pas mal : le patient douloureux et les médicaments », vendredi 6 avril

LE « HORS AMM » EN CATIMINI

Le hors AMM a la vie dure ! Alors qu’en 2013, une thèse de médecine générale avait montré qu’environ 20 % des prescriptions des généralistes se faisaient en dehors des clous, une nouvelle étude réalisée par François Drogou et coll. (Lyon) plus de 2 ans plus tard retrouvent des chiffres proches. Ce travail a été conduit par 11 internes de médecine générale chez 23 maîtres de stage universitaire (MSU) entre novembre 2015 et janvier 2016. Deux évaluateurs ont passé au crible l’ensemble des prescriptions médicamenteuses, afin d’identifier celles réalisées hors AMM.

Résultats : parmi les 4 932 prescriptions médicamenteuses analysées, 18,5 % ne respectaient pas l’AMM (17,6 % en raison de l’indication du médicament et 1,2 % en raison de l’âge du patient). Acide acétylsalicylique, oméprazole, diclofénac, salbutamol, prednisolone, amoxicilline, esomeprazole, mométasone, vitamine D et bisoprolol constituaient le top 10 des médicaments concernés. Plusieurs facteurs favorisants ont pu être identifiés, comme le nombre de médicaments prescrits, le caractère nouveau et l’objectif non spécifique de la prescription, ou encore l’âge du patient (≤ 14 ans). Fait notable : « Le patient n’avait été informé pour aucune de ces prescriptions hors AMM, et elles n’étaient jamais mentionnées sur l’ordonnance », soulignent les auteurs.

« Free to decide », jeudi 5 avril

STATINES, POURQUOI TANT D’ARRÊTS ?

Au cours de ces dernières années, plusieurs études ont mis en évidence une hausse du nombre de patients ayant arrêté leurs statines, y compris en prévention secondaire. Pour mieux comprendre les raisons de cette désaffection, Virginie Vidal (Clermont-Ferrand) a mené une étude basée sur 17 entretiens individuels semi-directifs. Elle montre que les patients stoppent leur traitement avant tout à cause des effets secondaires ressentis (myalgies essentiellement) et n’en parlent à leur médecin qu’après l’arrêt. Certains affichent une volonté de réduire au maximum leur nombre de médicaments. « La plupart avaient adopté de bonnes règles hygiéno-diététiques, parfois secondairement à l’arrêt de la statine », souligne l’auteur de l’étude.

« Sang pour sang », vendredi 6 avril 

LE PATIENT ET SES RISQUES

Un nouvel outil pour les risques CV

Soyons ambitieux ! Ne pourrait- on pas faire mieux que SCORE (Systematic Coronary Risk Estimation), cet outil d’origine européenne qui évalue le risque de mortalité cardiovasculaire à 10 ans ? Le Dr Éric Drahi du CMG, qui modère une session plénière sur les risques cardiovasculaires, présente un outil inédit d’évaluation sur cette problématique.

Coopération Il s’agit d’un auto-questionnaire, baptisé eRCV, portant sur 14 facteurs de risque CV modifiables, que le patient complète à son domicile (en 45 minutes à 1 heure). Un exemple : le niveau de stress est analysé par le patient avec un score général, et deux autres centrés sur le stress au travail et au domicile. Ce questionnaire s’adresse aux 40 et 65 ans et qui ont déjà au moins un facteur de risque CV modifiable identifié. Au-delà de l’obtention d’un score, la plus-value de cet outil original est d’analyser les réponses avec le patient et de travailler sur les comportements modifiables, en s’aidant éventuellement de techniques motivationnelles d’entretien sur la bonne observance des traitements médicamenteux et les modifications thérapeutiques du mode de vie. « Nous sommes en train d’évaluer la faisabilité de cet outil auprès de 30 médecins, avec déjà des retours positifs. Si ces résultats sont confirmés, une étude devrait être lancée en 2018 », explique le Dr Éric Drahi.

« Évaluer le risque cardiovasculaire avec le patient en prévention primaire », vendredi 6 avril

ALCOOL : LES FRANÇAIS MINIMISENT LES RISQUES DE LEUR CONSOMMATION

Les risques liés à l’alcool seraient en partie minimisés par certains contextes de vie qui sont liés à sa consommation. Ainsi, des facteurs sociaux et culturels interviennent : « jamais seul », « pas le midi », « un bon/petit verre », indiquent des personnes interrogées. C’est ce que révèle une étude qualitative réalisée à partir d’entretiens individuels semidirectifs auprès d’un échantillon socialement diversifié de sujets âgés de 25 à 65 ans, bien portants, recrutés hors contexte de soin. Il apparaît également dans ce travail que des critères d’hygiène de vie sont bien sûr liés à la consommation d’alcool, avec parfois des idées de possibles compensations : « Je vais boire en soirée, mais je cours. » Par ailleurs, il apparaît que « parler de sa consommation avec son médecin ne va pas de soi ».

« Résiste – Alcool et dépendances », jeudi 5 avril

 LE PATIENT ET LES DIAGNOSTICS DIFFICILES

Alzheimer, ni trop tôt ni trop tard

Après avoir été précurseurs sur la question de la balance bénéfices-risques des anticholinestérasiques dans la maladie d’Alzheimer, les médecins généralistes se posent désormais la question du moment opportun du diagnostic des troubles cognitifs. « Si la pathologie est fréquente dans la population française et les pays développés, en pratique nous n'avons pas de plaintes mnésiques aussi fréquentes qu'on pourrait l’imaginer », explique le Pr Laurent Letrilliart, médecin généraliste, enseignant- chercheur à l'université Claude Bernard Lyon 1 et intervenant à la plénière du Collège sur les démences. « Nos patients âgés ne sont pas tous demandeurs d’une démarche diagnostique. Prudents et réservés, ils attendent longtemps pour en parler. Ils en craignent les inconvénients. » Selon l'étude Ecogen, seules 7,5 consultations par an et par généraliste comporteraient une plainte mnésique ! Une demande à laquelle les omnipraticiens répondent de manière coordonnée. Une étude menée à Lyon par le Pr Letrilliart montre que 71 % des médecins font passer des tests cognitifs – le MMSE surtout – dans le cadre d’une consultation très souvent dédiée.

Implication Au terme d’examens biologiques et d’IRM cérébrales, les patients sont orientés vers une filière spécialisée dans 60 % des cas. « L'engagement des généralistes est réel dans la démence. La France est l'un des pays où ils se sentent les plus impliqués dans le diagnostic – 92 % selon une enquête internationale publiée en 2017. Contre 100 % des généralistes suédois et 9 % des praticiens turcs. » Reste que le moment du diagnostic est le fruit d’un partage de décision avec le patient et son entourage. « Un diagnostic précoce, ce n'est pas que des bénéfices pour le patient, c'est aussi des risques. »

« Aborder l’ensemble des problèmes pour un patient dément et son entourage », samedi 7 avril

Dossier réalisé par la rédaction

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