Crispation du corps médical garantie à la lecture du Journal officiel du jour. Très attendu, le décret qui définit les contours de l’accès direct et des prescriptions initiales aux infirmières en pratique avancée (IPA) est paru ce mardi 21 janvier.
Face à une démographie médicale déclinante, ce texte réglementaire confirme la volonté du gouvernement de résoudre une partie des difficultés de l’accès aux soins en transférant à d’autres professionnels de santé – paramédicaux, sages-femmes, pharmaciens… – certains actes et missions jusque-là dévolus aux praticiens. Une évolution qui crispe périodiquement les syndicats médicaux, dont les plus remontés voient d’un mauvais œil ce qui s’apparente à une dérégulation du parcours de soins et à une remise en question du rôle central du médecin.
Plus de liberté et de responsabilités dans le suivi
Concrètement, le décret ouvre l'accès direct et le droit à la primo-prescription aux IPA exerçant dans les hôpitaux, les établissements médico-sociaux (Ehpad) mais aussi les centres de santé ou les maisons de santé. En revanche, les IPA exerçant en libéral (hors structures collectives précitées) restent exclues du dispositif.
Jusque-là, l’IPA était considérée comme « compétente pour conduire un entretien avec le patient qui lui est confié [par le médecin, NDLR], effectuer une anamnèse de sa situation et procéder à son examen clinique ». Le décret accorde une autonomie nouvelle à l’IPA en biffant la formule « qui lui est confié », supprimant ainsi l’intervention préalable du médecin.
Concernant la prescription, le décret ouvre à l’IPA la possibilité de prescrire « des produits de santé ou des prestations soumis ou non à prescription médicale obligatoire, dont la liste est arrêtée par le ministre chargé de la Santé, après avis de l'Académie nationale de médecine ». Cet arrêté crucial « peut prévoir » que la prescription par l'infirmière est « subordonnée à un diagnostic médical préalable », indique le décret, sans aller plus loin, laissant ouvert le champ des possibles – et de la contestation.
Dans ses études, l’IPA, jeune profession créée en 2016, peut se spécialiser dans cinq grands domaines : les pathologies chroniques stabilisées ; l’oncologie et l’hémato-oncologie ; la maladie rénale chronique, la dialyse et la transplantation rénale ; la psychiatrie et la santé mentale ; les urgences. Pour ce qui relève des urgences, l'IPA peut désormais, lorsqu’elle prend « directement » en charge des patients, « dont les motifs de recours ou les situations cliniques sont définis par arrêté du ministre chargé de la Santé, établir des conclusions cliniques sous réserve qu'un médecin de la structure des urgences intervienne au cours de la prise en charge ».
Fin du protocole d’organisation
Enfin, le décret souligne que, dès lors que l’IPA est confrontée à une situation qui dépasse son champ de compétence, elle doit adresser le patient « sans délai au médecin traitant » et en informer « expressément ce dernier afin de permettre une prise en charge médicale dans un délai compatible avec l'état du patient ». Faute de médecin traitant, l’IPA reporte l'information dans le dossier médical partagé et oriente le patient vers un médecin ou une structure adaptée.
En parallèle, est supprimé un article qui imposait l’écriture d’un « protocole d’organisation » des soins définissant qui fait quoi entre la (les) IPA et le(s) médecin(s) travaillant en équipe – protocole pourtant clé pour les syndicats médicaux.
Enfin, le texte confirme que les infirmiers IDE sont habilités à pratiquer les actes prescrits par les médecins et, désormais, directement par les IPA – qui devaient jusqu’alors se cantonner au renouvellement d’ordonnance.
Vigilance « extrême » de l’Unipa sur la primo-prescription
Si plusieurs arrêtés doivent encore préciser les nouvelles attributions des IPA, la publication de ce texte a aussitôt été saluée par leur syndicat, l’Unipa, qui applaudit une « avancée considérable pour l’accès aux soins ». L’organisation, qui a noté l’absence d’arrêtés sur la primoprescription et sachant les médecins en embuscade, fera preuve « d’une vigilance extrême » sur ce sujet.
Ayant constaté des « désaccords majeurs concernant ce texte » avec le cabinet de la précédente ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, l’Unipa se méfie déjà d’une « modification d’écriture, ajoutée sans aucune concertation », qui pourrait prévoir « une restriction majeure du droit de prescription des IPA, faisant reculer l’exercice de toute la profession ». Le syndicat réclame à la nouvelle équipe une rencontre pour déblayer ce sujet « d’une importance capitale pour l’avenir de la profession ».
Seules 1 700 IPA ont été effectivement formées en 2023 alors que l'État en prévoyait initialement 3 000 (formées ou en formation) un an plus tôt.
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