Le temps presse. Il ne reste plus que deux réunions aux représentants des professionnels de santé et à l’Assurance maladie pour parvenir à un accord sur les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé). Si certains syndicats de médecins libéraux voient des progrès dans la négociation, la signature d’un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) d’ici la fin avril — délai fixé par Agnès Buzyn en janvier — est loin d’être acquise.
Des amendements à la loi santé qui agacent
La faute notamment à des amendements au projet de loi santé (désignation du médecin traitant par la CPAM si le patient ne parvient pas à en trouver un, prescription par les pharmaciens, certificats de décès confiés aux infirmiers), votés en commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, qui irritent les médecins et pourraient de fait interférer avec les négociations conventionnelles en cours. Ainsi, la CSMF s’interroge sur la poursuite ou non des négociations conventionnelles. Elle statuera sur le sujet samedi et dimanche lors d’une assemblée générale.
« On sent que les députés font preuve d’imagination, mais peut-être pas de clairvoyance », tacle le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. « Incontestablement, il y a une hostilité de l’Assemblée à l’égard des médecins alors qu’il y a une désertification grandissante, que nous avons 12 000 médecins retraités actifs et que le système n’a jamais été aussi fragile », déplore le généraliste clamartois.
« Ce qui se passe en ce moment à l’Assemblée nous crispe, confie quant à lui le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. « Comment peut-on continuer à travailler sur les missions à remplir par les CPTS alors que dans le même temps, on a des parlementaires qui n’arrêtent pas d’ajouter des nouvelles règles de fonctionnement qui concernent l’interprofessionnalité et qui vont faire fuir les médecins ? », s’interroge l’omnipraticien de Mayenne.
Un amendement définissant les missions des CPTS finalement supprimé
Cerise sur le gâteau, la commission des affaires sociales de l’Assemblée a adopté mercredi un amendement définissant les missions des CPTS. « Ce n’est pas possible d’être dans une négo sur les CPTS et de voir en même temps des amendements supplémentaires qui leur confient de nouvelles missions ! Il faut savoir ce qu’on fait », s’indigne le Dr Duquesnel.
Partagée par MG France, cette indignation a convaincu le syndicat du Dr Jacques Battistoni de ne pas se rendre à la cinquième séance de négociation sur les CPTS qui se tenait jeudi au siège de la Cnam. Toutefois, Nicolas Revel, directeur général de la Cnam a assuré lors de cette réunion aux syndicats que cet amendement serait supprimé.
De nombreux points encore en suspens
Dans ce contexte, et avec de nombreux points toujours en discussion, une signature de l’ACI sur les CPTS par les syndicats médicaux reste très hypothétique. « En l’état, je ne signe pas », confie le président du SML, le Dr Philippe Vermesch. Pour lui, le compte « n’y est pas du tout », tant au niveau du financement (voir encadré) que des missions confiées aux CPTS. « Si vous voulez intéresser les gens, il ne faut pas que les missions soient compliquées ». Alors que dans le projet d’avenant présenté par la Cnam jeudi, la caisse souhaite confier au total six missions aux CPTS, le Dr Vermesch estime que trois suffisent : coordination des parcours, les soins non programmés et accès à un médecin traitant sont suffisantes pour commencer.
« Il faut faire encore un effort sur le financement, sa pérennité, dit de son côté le Dr Hamon. Il y a eu quelques petits progrès, comme le fait que le financement pour la coordination, le temps de réunion et des systèmes d’information soit versé d’un coup dès la création de la CPTS. »
Alors que la caisse prévoit trois catégories de CPTS (moins de 40 000 habitants, de 40 000 à 80 000 et plus de 80 000) avec des niveaux de financement différents, le Dr Duquesnel souhaite en ajouter une quatrième. « Car il devrait y avoir des CPTS qui couvrent plus de 200 000 ou 300 000 habitants », justifie-t-il.
Pour l’heure, les CPTS sont encore « un gros machin que le gouvernement veut absolument faire aboutir » selon le Dr Vermesch, qui se « demande vraiment s’il y parviendra ». « Ça ne se fera pas en deux ans. Je ne dis pas jamais, mais ce n’est pas à marche forcée que ça fonctionnera. Il faut faire beaucoup plus simple », conclut le président du SML.
Financement : jusqu’à 300 000 euros pour les CPTS les plus grandes
Le projet d’avenant présenté jeudi lors de la cinquième séance de négociation, dont Le Généraliste a eu copie, précise les modalités de financement des futures CPTS.
L’Assurance maladie propose de financer celles-ci dès la signature du contrat avec l’ARS et la Cnam en versant intégralement le montant dédié au fonctionnement de la structure (rémunération d’un coordonnateur, valorisation du temps de concertation, aide à l’acquisition d’outils de partage numérique).
Les CPTS de taille 1 (couvrant moins de 40 000 habitants) percevraient 50 000 euros, celle de taille 2 (40 000 à 80 000) 60 000 euros, et celle de taille 3 (plus de 80 000) 70 000 euros. Pour les années suivantes, elles percevraient 75 % de cette somme dès la date anniversaire du contrat.
Rémunération des missions
La Cnam souhaite que les CPTS exercent quatre missions socles au bout de deux ans : accès facilité à un médecin traitant, accès à des soins non programmés, organisation de parcours et prévention. Deux missions optionnelles pourraient également être remplies : qualité et pertinence et accompagnement des professionnels de santé.
Pour ces missions, CPTS, Cnam et ARS définiront ensemble les objectifs à atteindre au moment de leur lancement. Leur financement sera réparti en deux parts : une fixe et forfaitaire, qui dépendrait de la taille de la CPTS, et une autre qui serait définie « localement dans le cadre du contrat propre à chaque CPTS, au regard des conditions de mise en œuvre de la mission proposées par la CPTS et de l’atteinte des objectifs définis », indique la caisse.
Au total : une CPTS couvrant plus de 80 000 habitants et remplissant les six missions référencées pourrait potentiellement percevoir 300 000 euros par an, selon l’Assurance maladie. Une CPTS de moins de 40 000 habitants remplissant les mêmes conditions pourrait quant à elle recevoir jusqu’à 175 000 euros annuels.
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