« L’actualité nous semble grave, c’est le système de protection sociale et du paritarisme mis en place en 1945 qui est menacé avec cette mouture du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2025), le pire depuis dix ans », s’alarme, ce mercredi 23 octobre, la présidente du Syndicat des médecins libéraux (SML), la Dr Sophie Bauer. Dans le collimateur de la chirurgienne thoracique de Melun (Seine-et-Marne), on retrouve les articles 15 et 16 du texte actuellement en discussion à l’Assemblée nationale (régulation des dépenses dans le champ conventionnel ; extension du champ de l’accompagnement à la pertinence de la prescription), mais aussi l’hypothèse d’une majoration du ticket modérateur sur les consultations des médecins et sages-femmes qui pourrait passer de « 30 % à 40 % », pour atteindre une économie d’environ un milliard d’euros. Cette piste avait déjà fait bondir d’autres syndicats médicaux, dont MG France et l’UFML-S.
Un tel désengagement de la Sécu reviendrait, à terme, « à pousser les patients vers des réseaux de soins proposés par les assurances complémentaires », dénonce la Dr Bauer, qui s’inquiète d’une possible dérive vers un « système de soins à l’américaine ».
La présidente du SML n’en oublie pas de défendre ses troupes en critiquant la recherche à tout va de postes d’économies de la part de l’exécutif, frappant notamment les secteurs de la biologie, de la radiologie et de l’imagerie médicale. « Par exemple, [l’État réclame] 300 millions d’euros sur les années 2025 à 2027 pour la seule imagerie, on marche sur la tête », peste la Dr Bauer, pour qui ces postes de dépenses « dynamiques » sont justement le signe que ces spécialités s’équipent pour répondre aux besoins croissants des patients en matière de dépistage et de prise en charge des pathologies chroniques.
Vers une contestation intersyndicale ?
À l’article 16, le conditionnement du remboursement de certaines prescriptions (biologie, imagerie, transports) à la présentation d'un formulaire établi par les prescripteurs ne trouve davantage grâce à ses yeux. Le SML à l’instar de plusieurs syndicats de médecins libéraux, a d’ores et déjà fait jouer ses réseaux pour déposer des amendements de suppression et de restriction sur le texte gouvernemental. Par ailleurs, langue a été prise avec certaines centrales signataires (MG France, la FMF, Avenir Spé) pour envisager des modes de contestations communes, peut-être au travers d’un mouvement intersyndical.
Rendez-vous avec la ministre de la Santé fin novembre
« Nous venons de signer un texte conventionnel qui entrera en vigueur le 22 décembre. Dans ce texte, les syndicats se sont engagés à rechercher des améliorations dans la pertinence des soins, dans des économies de prescriptions, à travers 15 objectifs d’efficience. Qu’on laisse vivre la convention plutôt que de chercher à imposer des contraintes aux médecins par des textes de lois », martèle la Dr Bauer. Qui poursuit. Si la Cnam n’a pas les moyens financiers de rembourser les actes que les médecins prescrivent, plutôt que d’augmenter le reste à charge des patients ou de les confronter à une augmentation du tarif de leurs cotisations à leur mutuelle, le SML a la solution : « c’est l’ouverture du secteur 2 pour tous ! », estime la cheffe de file du SML. Un argument qu’elle ne manquera pas d’avancer à l’occasion de sa rencontre avec Geneviève Darrieussecq. Le rendez-vous avec la ministre de la Santé et de l’Accès aux soins est prévu le 20 novembre.
Morceaux choisis de l’avis (très critique) du conseil de la Cnam
Le conseil de la Cnam a publié ce mercredi 23 octobre un avis particulièrement salé sur le PLFSS 2025*. « Face à la forte dégradation des comptes de la branche maladie, le Conseil constate que notre système de protection sociale est confronté à une situation inédite qui devrait inciter les pouvoirs publics à engager une réforme structurelle au lieu de continuer à prendre, année après année, des mesures court-termistes qui s’avèrent inefficaces pour résorber le déficit », lit-on. Concernant la progression de l’Ondam (enveloppe globale des dépenses de santé pour 2025) que le gouvernement a fixé à 2,8 %, le conseil juge ce taux « nettement insuffisant pour répondre aux besoins de santé des assurés sociaux et faire face à l’inflation ». L’idée d’un transfert de charges vers les complémentaires via la hausse du ticket modérateur ne trouve pas davantage grâce aux yeux de plusieurs conseillers, qui y voient un « risque de mettre à mal la solidarité et l’universalité de notre système de santé ». Et d’insister : « Ce transfert induit un glissement vers un modèle économique qui s’éloigne de plus en plus de celui inhérent à notre Sécurité Sociale. »
* Le Conseil s’est prononcé sur le texte par 33 voix défavorables (CFDT, CFTC, CGT, CGT‐FO, CPME, FAGE, FNMF, FNATH, MEDEF, UNAF, UNAASS, U2P, M. Corona) et deux prises d’acte (CFE‐CGC).
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