L’attractivité tarifaire est loin d’être au rendez-vous. Mises sur la table le 8 février, les propositions de revalorisations de l’Assurance-maladie pour la future convention sont « insuffisantes », selon plusieurs syndicats de médecins libéraux. Pourquoi ? Explications chiffrées du Quotidien.
Dans le camp des généralistes, l’annonce d’une consultation à 30 euros contre 26,50 euros réclamée de longue date aurait pu être une bonne nouvelle après la dégringolade de leurs revenus en 2022 (-7 %). Mais la revalorisation antérieure de 1,50 euro actée dans le règlement arbitral et entrant en vigueur en novembre 2023 n’a permis qu’en partie de compenser l'inflation. La base sur laquelle se greffe l’annonce de la Cnam est donc insuffisante. Et l’incertitude demeure sur la date de l’application réelle de la hausse de 30 euros. Ce qui signifie dans l’intervalle un manque à gagner à la durée indéfinie pour les médecins. C’est la raison pour laquelle autant MG France que la CSMF réclament depuis le début la suppression des stabilisateurs économiques, ce mécanisme financier qui retarde de six mois l’entrée en vigueur de la convention. Six mois, c’est toujours ça de gagné (ou de pas perdu).
« Depuis 2017, on a eu 12 % d’inflation, analyse le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint de MG-France. Le G à 30 euros correspond au rattrapage de cette inflation et doit s’appliquer immédiatement sinon les revenus des médecins vont continuer à être bloqués en 2024 ». Le Dr Franck Devulder, président de la CSMF, est sur la même ligne. « Si l’entrée en vigueur est en décembre 2024 ou en janvier 2025, où est le choc d’attractivité promis pour la profession ? », s’interroge ce dernier.
Méthodes de calcul obscures
L’autre insatisfaction des généralistes concerne la suppression de la Rosp et du forfait structure au profit d'un forfait médecin traitant amélioré. Dans ce schéma, le nouveau forfait comporte une part fixe, une part variable, des bonus et des majorations. La nature de la patientèle entre en ligne de compte. Le Dr Nogrette a appliqué la formule à son propre cas. Verdict : « les indicateurs sont mal définis et des méthodes de calcul ne sont pas claires ». Avec 4 500 euros de forfait structure et 3 500 euros de Rosp qui disparaissent, « je ne suis ni perdant ni gagnant contrairement à ce qui a été annoncé », avance-t-il.
La FMF elle aussi a sorti la calculette. Son conseiller, le Dr Richard Talbot, a même proposé aux médecins un simulateur sur son site. « Oui, le forfait médecin traitant est valorisé mais la suppression des autres forfaits ne fait que gommer cette hausse », dit-il. Sur les 800 médecins qui ont utilisé son calculateur, « 60 % disent qu’ils sont perdants », indique-t-il.
À pleurer ou à mourir de rire
Côtés spécialistes, ça coince aussi. Du moins pour le premier syndicat représentatif des spécialités libérales. L’avis ponctuel de consultant (APC) qui valorise l’expertise du spécialiste à la demande du médecin traitant à 60 euros (contre 56,50 aujourd’hui) ? Notoirement insuffisant pour le président d’Avenir Spé-Le Bloc. « Moi, c’est 70 euros pour l’APC, avec un élargissement de son contour. C’est la valeur d’une consultation d’expertise quand un spécialiste libéral voit un patient, qu’il lui soit adressé ou non », tonne le Dr Patrick Gasser. La proposition de revalorisation de 10 % des consultations de psychiatrie ne trouve pas non plus grâce à ses yeux. « Je veux, au minimum que les pédiatres, psychiatres et les endocrinologues, arrivent au moins au même niveau de revenus que les médecins généralistes », poursuit le gastro-entérologue nantais.
Pour le chef de file d’Avenir Spé, « ce qui est mis sur la table est à pleurer ou à mourir de rire », tant le décalage entre les propositions en faveur de la médecine générale et celles pour les spécialités est grand. Il n’y a pas que les généralistes qui sont touchés par l’inflation, résume en substance Patrick Gasser, martelant au passage que les tarifs des spécialistes « n’ont pas bougé depuis des décennies ». D’ailleurs son syndicat entend bientôt en faire la démonstration concrète avec la publication prochaine d’une enquête interne sur l’évolution des revenus des spécialités libérales depuis 2016. « On s’aperçoit que pour certains, il y a des déficits de près de 30 % », lâche le leader syndical.
Goût de trop peu
Le coup de pouce financier de la Caisse pour le développement des équipes de soins spécialisées (ESS) a aussi un goût de trop peu pour Avenir Spé. Si les 40 000 euros de crédit d’amorçage financier pour rédiger le projet de santé semblent satisfaire le syndicat, la dotation annuelle comprise entre 50 000 euros et 100 000 euros (en fonction du nombre de professionnels de santé embarqués) une fois l’ESS constituée est très en deçà du financement nécessaire qui devrait plutôt se rapprocher « des 200 000 euros » pour les plus grosses équipes. En échange de quoi, le Dr Gasser offre des contreparties. Sur les ESS, il souhaite une évaluation annuelle.
« On se donne des objectifs et des critères définis et on décide à trois ans si ça fonctionne ou pas ». Contrepartie également pour un APC à 70 euros, pour lequel le médecin spécialiste s’engage à rédiger un compte rendu dans le dossier médical du patient et à l’adresser à son médecin, qu’il soit traitant ou non. « On structure les choses et on fait de la traçabilité », assure le patron d’Avenir Spé, qui, dans une lettre ouverte, demande clairement à l’Assurance-maladie de revoir sa copie conventionnelle d’ici la prochaine réunion plénière attendue pour la première quinzaine de mars.
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