C'en est trop. Les médecins généralistes du secteur de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor) ont décidé de se mobiliser face au nombre croissant de convocations pour « échanges confraternels », envoyées par la caisse locale. L'URPS des médecins libéraux de Bretagne alerte en effet sur la recrudescence des contrôles pour « délits statistiques », qui consistent à mettre les praticiens du département face à leurs chiffres de prescription.
« Cela peut être parce qu'ils dépassent le nombre d'arrêts de travail prescrits par rapport à la moyenne du département ou parce qu'ils ne prescrivent pas assez de génériques, cela dépend des statistiques que la caisse souhaite améliorer », s'étonne le Dr Yvon Le Flohic, généraliste à Ploufragan et mandaté par la Fédération des médecins de France (FMF) à l'URPS. Le président national de la FMF, le Dr Jean-Paul Hamon, parle même de « harcèlement ordinaire » de la caisse. Contactée par Le Généraliste, la CPAM 22 n'a pas répondu à nos sollicitations.
Méthode intimidante
Plus que la démarche, c'est la méthode qui interroge aujourd'hui les médecins libéraux. « Aucun médecin ne rejette le principe d'une responsabilité et d'un dialogue avec la CPAM mais la forme actuelle de ce dialogue ne peut perdurer sans répercussions très dommageables pour l'offre de soins », s'inquiète le Dr Le Flohic. L'URPS Bretagne a en effet reçu plusieurs témoignages de généralistes du 22, que Le Généraliste a pu consulter. L'un d'entre eux parle d'un climat « de reproche et d'humiliation », un autre parle d'un entretien confraternel « vécu comme une agression dans l'objectif de mettre la pression sur les professionnels ».
Pour le Dr Le Flohic, ces méthodes sont donc à proscrire : « Les généralistes se rendent à la CPAM et se retrouvent avec quatre ou cinq personnes en face d'eux, ce qui peut avoir un impact psychologique pour les médecins convoqués », dénonce-t-il. Le médecin s'interroge sur l'intérêt de la CPAM à effectuer ce type de contrôles alors que la situation démographique du secteur de Saint-Brieuc est de plus en plus critique. Selon lui, ces « délits statistiques ne sont que la conséquence de la hausse d'activité des médecins, qui doivent accueillir dans leurs cabinets la patientèle qui se retrouve sans médecin traitant suite à des départs à la retraite ».
Il conçoit que « l'usage des statistiques, lorsqu'il a été mis en place a permis de découvrir des situations aberrantes. Mais les confrères convoqués actuellement et menacés de mise sous objectif (MSO) ou sous accord préalable (MSAP) semblent simplement être des médecins qui travaillent beaucoup et sont donc de gros prescripteurs », avertit le généraliste.
De plus en plus de patients
Les caisses se fieraient seulement aux chiffres, sans prendre en compte les caractéristiques de la patientèle de chaque médecin. « Un de nos confrères a été épinglé parce qu'il avait trop d'arrêts de travail et la caisse n'a pas pris en compte le fait qu'il est installé à 100 mètres d'une grosse usine par exemple », plaide le généraliste de Ploufragan. La petite centaine de praticiens convoqués en entretien confraternel depuis trois ans serait alors tiraillée entre culpabilité et conscience professionnelle. « Si un patient en arrêt maladie depuis plusieurs mois a perdu son médecin traitant et se présente au cabinet d'un généraliste déjà averti par sa caisse, que va faire ce dernier ? », s'interroge le Dr Le Flohic.
Récemment, un confrère de cabinet du Dr Le Flohic a lui-même été convoqué par la CPAM 22. Il doit s'y rendre demain jeudi 4 octobre. Pour montrer leur mécontentement et leur soutien, plusieurs généralistes de Saint-Brieuc, ainsi que les représentants locaux de la FMF, du SML, de l'UFML-S de la CSMF et de MG France accompagneront le généraliste à la CPAM des Côtes d'Armor.
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique