Littérature, vocation médicale et exercice (1)

Bovary, Jivago, Bruno Sachs… Quand la fiction influe sur la pratique

Publié le 25/07/2015
Même quand ils ne sont pas purement médicaux ou scientifiques, les médecins ont toujours eu une grande appétence pour les livres, en particulier les romans. Cela a donné l’idée à Céline Grimshaw de prendre pour sujet de thèse « L’influence des personnages de praticiens dans la littérature sur la pratique de la médecine générale »*. Chaque samedi de l’été, nous vous proposerons les entretiens réalisés pour ce travail avec sept médecins généralistes qui expliquent comment les médecins héroïques, vertueux, bienveillants, découvreurs ou enquêteurs rencontrés dans leurs lectures ont pu les marquer.

Quand on les interroge, les médecins ne font pas toujours de lien entre leurs lectures romanesques, rapidement étiquetées comme « de loisirs », et leur exercice. Or, en réalité, cette influence est là, en filigrane certes, mais bien présente. Ils citent ainsi plusieurs personnages de roman, de Charles Bovary à Bruno Sachs en passant par le Docteur Pascal d’Émile Zola et le Dr Jivago. Ces médecins sont pour la plupart inspirants, empruntent les traits de modèles à suivre, sont même parfois à l’origine d’une vocation chez certains. Le médecin héroïque est tantôt la figure paternaliste, bienveillante et altruiste, tantôt le héros aventurier et enquêteur, admiré depuis des lectures adolescentes.

Ces romans sont avant tout le reflet de nos représentations quant à notre rôle de médecin, mais aussi de nos projections face à la maladie et à la mort. Dans notre ère technicisée, il n’est pas surprenant que le monde des chercheurs soit tant valorisé dans les lectures citées.

Un outil de partage

La lecture est aussi un outil de partage face à la difficulté de l’exercice. Bruno Sachs, le protagoniste de « La Maladie de Sachs » de Martin Winckler, souvent évoqué, est le porte-parole d’une génération de médecins révoltés face à la difficulté d’exercer de façon juste et empathique. La solitude ressentie par le médecin est parfois grande.

La lecture est une expérience

Enfin, la lecture en général – celle de romans en particulier – est, de fait, un facteur d’influence car la pratique est déterminée par les expériences, vécues et ressenties. Ces expériences sont multiples, humaines et relationnelles mais aussi imagées et fantasmées. La lecture est une expérience. Elle est un facteur déterminant, parmi tant d’autres certes, mais dont l’étude mériterait une plus grande place dans les formations universitaires.

* Thèse de doctorat en médecine générale soutenue le 17 juin 2015 à l’université Pierre et Marie Curie (Paris VIe).

À lire, cette semaine, l’entretien avec le Dr Denis L : « Ce qu’on apprend dans la littérature, c’est la subjectivité »


Source : lequotidiendumedecin.fr