À bientôt 70 ans, le Dr Jacques Talec, généraliste à Tonneins, a gardé son enthousiasme et son dynamisme intacts. Un entrain communicatif qui lui a permis de mener à bien son projet de centre de santé du bassin tonneinquais (CSBT), sous le statut associatif « loi 1901 », implanté dans cette partie semi-rurale du Lot-et-Garonne estampillée désert médical. Et qui fonctionne, puisque ce centre médical atypique compte aujourd’hui pas moins de douze médecins, dont deux spécialistes, une allergologue et une dermatologue.
Le CSBT a vu le jour en 2017 mais la véritable histoire a commencé en 2015. « Tonneins est situé entre Bordeaux et Toulouse. C’est une ville de 9 000 habitants ancrée dans un territoire tourné vers l’agriculture, avec un peu d’industrie. Mais en totalité, le bassin de vie, avec tous les petits villages, comptabilise environ 25 000 habitants », explique le Dr Talec. En face, une démographie médicale en berne qui ne cessait de s’éroder, jusqu’à l’initiative portée par le généraliste lot-et-garonnais d’adoption.
4 500 euros net mensuels minimum plus les gardes
Comment ça marche ? « Les médecins sont tous salariés de la structure mais nous appliquons les tarifs conventionnels à l’acte, exactement pareil qu’un cabinet libéral. On fonctionne par plages de cinq heures. Les temps pleins font 35 heures et choisissent leurs plages horaires », détaille le Dr Talec.
Les quatre secrétaires employées par la structure déchargent les praticiens de toutes les tâches administratives. Salaire minimum pour un médecin ETP : 4 500 euros net mensuels auxquels viennent s’ajouter les indemnités de garde que le centre de santé reverse aux praticiens.
Aujourd’hui, le centre de santé tonneinquais s’appuie sur cinq généralistes retraités qui y exercent à raison d’environ 10 heures hebdomadaires chacun, mais aussi sur cinq jeunes confrères généralistes. Le Dr Romain Layrac est l’un deux : l’enfant du pays de 33 ans, devenu récemment jeune papa, apprécie ce rythme à la carte et ce confort de travail. Il travaille 35 heures par semaine, en dehors des gardes, sur les plages 8h-13h et 14h-19h. Avec de la souplesse dans son organisation qui lui permet d’alterner des semaines de 40 heures et de 30 heures, en fonction des horaires de la crèche ou de la nounou. « De plus, quand j’ai terminé ma journée, j’ai vraiment fini. Je n’ai pas à me coltiner deux heures de compta tous les soirs. Les cinq semaines de congés payés sont aussi appréciables », poursuit le Dr Layrac, unique maître de stage du CSBT.
« J’ai visité les internats. J’arrivais avec mes pizzas, mes bières et mes croustades…
Dr Jacques Talec
Une de ses consœurs de la structure passera bientôt, elle aussi, enseignante. Sans doute la manière la plus efficace de convaincre les internes de venir les rejoindre. « Il nous faudrait encore deux ou trois temps plein pour être entièrement opérationnels » et répondre aux besoins locaux, estime le Dr Talec. Qui, il y a deux ans, avait dû prendre son bâton de pèlerin. « J’ai visité les internats. J’arrivais avec mes pizzas, mes bières, mes croustades… Le recrutement a été quelque chose de très compliqué et de très chronophage », se souvient le (bientôt) septuagénaire, qui se défend d’être un « fanatique de la médecine salariée ». Simplement, cela semblait correspondre à ce que souhaite la nouvelle génération de médecins.
Le pari a payé puisque, désormais, la structure comptabilise, en son nom, environ 6 000 patients « médecin traitant », grâce au soutien de la caisse primaire locale qui a accepté de jouer le jeu. « On a un truc très particulier avec elle. Pour la Sécu, c’est le centre de santé, constitué en association loi 1901, qui est le médecin traitant des patients », souligne le Dr Talec.
Ce dispositif bénéficie aussi de l’appui de la mairie et a déjà été dupliqué dans le village voisin de Lavardac et au centre de santé à Marmande la Jolie. Il n’est pas non plus passé inaperçu dans d’autres régions de l’Hexagone. Récemment, c’est un confrère d’Alsace qui a passé un coup de fil au Dr Talec pour savoir comment fonctionnait « son » centre de santé. Ce modèle fera-t-il des petits ?
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