En matière d’écologie, il y a souvent un fossé entre les objectifs et les obstacles qui se dressent pour les atteindre. En témoigne la feuille de route ministérielle présentée en mai 2023 pour accélérer la transition écologique du système de santé, dont l’empreinte carbone est évaluée à 8 % des émissions nationales.
Dans un rapport ad hoc publié le 5 juillet, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) s’est intéressée au Ségur de l’investissement, programme lancé en 2021 et qui représente 9 milliards d’euros sur dix ans. Trois ans après, quel bilan peut-on tirer ? Dès le départ, c’était mal parti, constatent les rapporteurs : « A son lancement, le Ségur de l’investissement ne comprenait pas de réel objectif environnemental » aussi bien au niveau national que dans sa déclinaison en régions, avec seulement 93 projets d’investissement sanitaire sur 832 ayant le développement durable pour objectif prioritaire.
Autre critique dressée par les rapporteurs, l’absence d’objectifs et d’indicateurs communs n’a pas rendu possible jusque-là l’évaluation de l’impact environnemental des projets, notamment en termes de réduction des consommations d’énergie ou d’émissions de gaz à effet de serre.
Performance énergétique, mieux vaut rénover que construire
La mission met l’accent sur le volet performance énergétique. Car la consommation d’énergie pour les établissements publics de santé et les Ehpad représente 2,5 milliards d’euros en 2022 et les économies potentielles peuvent atteindre 550 millions d’euros par an, le secteur de la santé représentant l’impact le plus important après les hôtels dans le tertiaire. D’où le focus mis sur la performance énergétique des bâtiments dont les ambitions sont grandes aussi bien en termes de rénovation (avec sur ce seul volet un gain minimal de 30 % sur la consommation d’énergie) que de construction. En termes d’émissions de gaz à effet de serre, les rapporteurs insistent sur le caractère plus vertueux de la rénovation que de la construction qui représente près de 80 % de la totalité des émissions carbone liées au cycle de vie d’un bâtiment neuf.
Et pourtant, alors que « cette absence de pilotage n’est pas satisfaisante », les rapporteurs soulignent que « la transition écologique est devenue un levier managérial puissant et un facteur d’attractivité » pour les établissements qui réalisent des projets immobiliers, avec des professionnels bien conscients de ces enjeux écologiques sur la santé des populations.
La mission de l’Igas adresse aux pouvoirs publics une liste de préconisations. Première demande : il faudrait réaliser des « ajustements » afin de mieux suivre la mise en œuvre des objectifs environnementaux fixés par la réglementation. Cela passe par la création d’un référentiel commun et opposable d’analyse de ces enjeux, par exemple pour mesurer le gain énergétique ou la baisse des GES. Ces recommandations peuvent être mises en place à court terme sans retarder plus avant le processus d’instruction des dossiers, critiquent les rapporteurs qui déplorent qu’à l’automne 2023 seuls 26 % des projets d’investissement dans le champ sanitaire aient été validés alors que 63 % d’entre eux n’avaient pas encore franchi la première étape d’instruction.
Réduire de 30 % la consommation énergétique par des actions simples
La mission ne se contente pas de dresser des injonctions. Elle montre clairement là où des actions simples comme le réglage des installations techniques ou des petits travaux de maintenance permettraient de réduire d’environ 30 % la consommation énergétique.
Pour aider les établissements, il faut plus d’argent, selon les rapporteurs. Ainsi, sur le volet financier, l’accompagnement par le réseau des 165 conseillers en transition écologique et énergétique en santé (CTEES) doit se poursuivre également, et même être élargi pour trois années complémentaires, avec un investissement financier supplémentaire de13 millions d’euros (contre 11 millions actuellement qui ont déjà permis de réaliser 71 millions d’euros d’économies en 2022).
Un minimum d’un milliard d’investissement par an
La mission Igas tente de globaliser les objectifs financiers : seul un plan pluriannuel de rénovation permettra de « surmonter l’ampleur des investissements à venir ». Dans le détail, si les besoins sont compris entre 27 et 67 milliards d’euros sur la période 2025-2050, il faudrait investir chaque année entre 1 et 2,5 milliards d’euros. Mais les établissements ne pourront supporter seuls ces investissements lourds. L’Igas recommande une enveloppe d’aide publique comprise entre 500 et 600 millions d’euros par an jusqu’en 2050 dans la future stratégie pluriannuelle de financement annuel de la transition écologique (SPFTE).
Enfin, malgré le caractère volontariste des acteurs (dont il faudrait améliorer les compétences), notamment au sein des ARS, les rapporteurs pointent « une certaine forme de dispersion faute de cadrage national suffisamment resserré ». L’Agence nationale d’appui à la performance (Anap) tiendrait ce rôle de pilote, en lien avec les instances nationales.
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