L’électroencéphalogramme du décret relatif aux conditions de l’accès direct et de prescription initiale des infirmiers en pratique avancée (IPA), une des dispositions controversées de la loi Rist de mai 2023 sur l’accès aux soins, va-t-il rester plat ou connaître un regain d’activité ? Dans un avis mis en ligne le 30 juillet, portant sur ce décret, la HAS a jugé en substance que la copie actuelle était à revoir. Mettant en avant la qualité et la sécurité des soins, « le Collège de la HAS ne peut émettre un avis favorable sur ce projet de décret que si les observations suivantes sont prises en compte », peut-on lire.
Et parmi celles-ci, la HAS souligne que « la prescription médicamenteuse non symptomatique et sans diagnostic médical préalable ne peut être envisagée que par exception et avec le plus haut niveau de sécurisation ». Or, l’agence relève que le projet de décret n’exclut pas qu’une telle prescription initiale ait lieu dans le cadre du domaine d’intervention « pathologie chronique stabilisée », ce qui peut présenter un risque. Elle juge qu’une primo-prescription sans diagnostic médical préalable, dans ce domaine, est incompatible avec la notion même de pathologie chronique stabilisée. « Comment imaginer instaurer des traitements sans diagnostic médical préalable ? Serait-ce enfin le début d’une reconnaissance de notre expertise ? » décrypte la Dr Patricia Lefébure, présidente de la Fédérations des médecins de France (FMF).
De surcroît, dans le contexte de l’accès direct et de la primo-prescription par l’IPA, le collège de la HAS souligne l’importance de la formation initiale et continue à ces nouvelles compétences. La HAS observe, enfin, que la possibilité de prescrire en l’absence de diagnostic médical préalable nécessitera l’actualisation du code de déontologie infirmier. Bref, pas question de se précipiter.
Les IPA trouvent le temps long
À l’Union nationale des infirmiers en pratique avancés (Unipa), on « commence à trouver le temps long ». D’autant qu’au début de l’été, le ministère de la Santé avait fait part au syndicat de sa volonté de publier « dans les prochains jours » le décret et l’arrêté ad hoc (qui mentionne les médicaments ouverts à prescription initiale de l’IPA), indique Jordan Jolys, vice-président de l’Unipa.
Mais du côté syndicats de médecins libéraux, on trouve au contraire que le fait de ne pas céder à la précipitation est une bonne nouvelle. « Ce texte était trop caricatural. Une liste “à la Prévert” qui énonçait les possibilités de prescription des IPA sans diagnostic médical préalable. Ce n’est juste pas possible », confie la Dr Agnès Giannotti, présidente de MG France. Pour autant, la cheffe de file du syndicat de généralistes l’affirme haut et fort, ce n’est pas un rejet de principe. « Nous voulons travailler avec les IPA. Mais en coopérant de façon rapprochée », clarifie la généraliste.
La confiance, ça se construit »
Dr Luc Duquesnel, président de la branche généraliste de la CSMF
Une analyse constructive que partage son homologue généraliste de la CSMF. « Médecins et IPA, nous devons avoir un exercice coordonné. Mais ce décret en l’état qui leur ouvre l’accès libre et la prescription risque surtout de mettre le feu aux poudres. La confiance, ça se construit ». La Conf’ avait alerté au début de l’été le ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, sur le risque de conflit avec un décret mal calibré. « Si vous signez ce texte, vous signez la mort des IPA en ambulatoire », se souvient le Dr Duquesnel.
Le message est-il passé ? Médecins et IPA surveillent en tout cas les publications au Journal Officiel. Il est vrai qu’au regard de la foison de textes parus en cette période de gestion des affaires courantes, on n’est jamais trop prudent.
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