Depuis ce lundi 28 avril, le Dr Florian Coromines, 34 ans, n’assure plus ses consultations, et ce, jusqu’à la fin de la semaine, dans la clinique niçoise où il exerce depuis quatre ans. Fidèle au mot d’ordre de grève « illimitée » lancé par l’intersyndicale des médecins libéraux, le psychiatre libéral, adhérent FMF, prépare aussi activement la manifestation nationale du mardi 29 avril. Dans son viseur, comme dans celui de ses confrères grévistes, la proposition de loi transpartisane du député (PS) Guillaume Garot, prévoyant une régulation à l’installation des médecins en zone surdotée. « Dans quelques années, si je décide de changer de quartier d’exercice à Nice ou de m’installer à Marseille, serai-je encore libre de le faire ? », s’interroge-t-il, soucieux de défendre un des piliers de la médecine libérale.
Le spécialiste trentenaire trouve cette mesure d’autant plus inefficace que tout le territoire est peu ou prou un désert médical… « La ville de Nice, par exemple, est plutôt considérée comme un secteur bien doté. Et pourtant, tous les jours, je reçois des demandes de la part de patients que je ne peux satisfaire », poursuit-il.
Et ce n’est pas le nouveau pacte de lutte contre les déserts médicaux présenté par François Bayrou, réclamant deux jours de solidarité médicale dans les zones sous-denses, qui a désamorcé les choses, au contraire. « Il faudrait parler d’incitation et non de coercition, comme par exemple des mesures de défiscalisation, pour encourager les médecins à exercer deux jours par mois dans les déserts médicaux. Là, c’est plutôt le bâton que la carotte. Bayrou est déconnecté de la réalité de terrain », estime le jeune psychiatre.
En attendant la suite des événements, il affiche sa détermination. « Je ferme toute la semaine à titre individuel ! Le mouvement de grève étant illimité, je verrai ensuite dans quels sens penchent les débats sur la régulation à l’installation à l’Assemblée nationale la semaine prochaine. La suite du mouvement en dépendra, mais il peut tout à fait être amené à s’amplifier », diagnostique le Dr Florian Coromines.
Pas de limites ! Si on me dit arrêt complet de l’activité, j’y vais…
Dr Mélanie Gerbaux (Ardennes)
Dans les Ardennes, à Signy-le-Petit, la fronde pour la sauvegarde de la liberté d’installation s’organise également à la maison de santé où évoluent quatre médecins généralistes. « Nous avons cessé tous les rendez-vous d’urgence jusqu’à nouvel ordre, mais nous gardons les rendez-vous programmés », relate la Dr Mélanie Gerbaux, passablement remontée. « Cette régulation à l’installation est une fausse bonne idée et n’est qu’une simple réponse politique pour dire aux électeurs : “On fait quelque chose”. » La généraliste de 36 ans se dit « de plus en plus dégoûtée quand je vois la dégradation de nos conditions d’exercice depuis dix ans. J’ai encore plaisir à me lever le matin pour faire mon métier mais c’est la seule chose qui me fait tenir », lâche-t-elle, prête au combat pour la médecine libérale si la PPL Garot devait être adoptée la semaine prochaine avec ses mesures contraignantes. « Je suis prête à tout. Pas de limites ! Si on me dit arrêt complet de l’activité, j’y vais », affirme la jeune généraliste ardennaise.
« Ne commettez pas les erreurs du passé ! »
En Seine-et-Marne, la Dr Andrée Leseur, généraliste en secteur 2 (Optam) à Mary-Sur-Marne, est, elle aussi, gréviste depuis ce lundi. La généraliste de 56 ans, ancienne PH en médecine d’urgence, a fait partie de la délégation de l’association Médecins pour demain reçue récemment au ministère de la Santé. Elle se déclare « atterrée » par la méconnaissance de certains conseillers, à ses yeux, sur la réalité de l’exercice dans les déserts médicaux. « L’endroit où j’exerce, c’est un désert ++ et pas que médical, et pourtant, avec mes cinq remplaçants, nous avons réussi depuis un an à accueillir des patients sept jours sur sept, en secteur 2. Un secteur auquel souhaiteraient avoir accès mes remplaçants à l’issue de leur remplacement en zone sous-dotée », développe la Dr Leseur. Son message au député Garot et à Yannick Neuder ? « Ne commettez pas les erreurs du passé ! Les incitations ne convaincront pas un jeune de s’installer là où il ne le veut pas. Quant à la contrainte, c’est simple, soit on arrêtera de bosser, soit on fera autre chose… » Voici les responsables politiques prévenus.
SOS Médecins se joint « pleinement » à la mobilisation du 29 avril
SOS Médecins France a indiqué se joindre pleinement à la mobilisation nationale du 29 avril, portée par les syndicats de jeunes médecins, d’internes et d’étudiants. En signe de soutien, la structure de généralistes et urgentistes demande que toutes les associations de SOS Médecins soient fermées ce 29 avril pendant 24 heures (de 8 heures à 8 heures). « Nous exprimons notre ferme opposition à toute mesure coercitive qui remet en cause un principe fondamental de la médecine libérale : le libre choix du lieu d’exercice », expose la fédération.
Chaque année, elle traite 6,8 millions d’appels, réalise 1,4 million de visites à domicile et assure 3,1 millions de consultations avec une disponibilité des équipes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
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