Le déploiement de l’exercice coordonné va-t-il subir un coup d’arrêt sur fond de guerre tarifaire ? L’atmosphère est en tout cas devenue électrique entre le mouvement AvecSanté (Avenir des équipes coordonnées, ex-fédération des maisons de santé) et deux syndicats de médecins qui viennent d’annoncer leur boycott du cycle actuel des négociations interpro.
De fait, la CSMF et MG France ont coup sur coup décidé de se retirer de la table des négociations visant à définir le prochain avenant à l'accord conventionnel interprofessionnel de ces structures (dit « ACI-MSP »). Un retrait motivé par le report de six mois des revalorisations tarifaires qui étaient prévues en juillet, vécu comme « une trahison inacceptable » et « une injustice ». Pas question de continuer à négocier quoi que ce soit avec la Cnam puisque le contrat est rompu, expliquent en substance les syndicats de médecins.
Elan brisé ?
Mais pour AvecSanté, ce retrait brusque des médecins des négociations interpro « illustre le risque de laisser les intérêts mono-professionnels compromettre l’avenir de ces dynamiques collectives. D’autant plus si d’autres syndicats participant aux négociations décident de suivre le mouvement… ». « Dans un contexte de pénurie et de fragilisation structurelle, les MSP s’imposent comme un relais vital pour préserver un accès aux soins équitable et coordonné pour les Français », souligne AvecSanté, qui redoute que l’élan du travail en équipe soit freiné.
Les enjeux de cette négociation financière ne sont pas minces alors que plus de 2 750 maisons de santé maillent les territoires français — urbains comme ruraux —, rassemblant plus de 40 000 professionnels de santé autour de 12 millions de patients. Ouverte depuis décembre 2024, la négociation interpro entre la Cnam et les syndicats représentatifs de plusieurs professions de santé (médecins, infirmiers, kinés, pharmaciens…) touchait à sa fin. Une dernière séance était prévue le 16 juillet. Et selon Avec Santé, l’avenant dans les tuyaux comporte « des avancées cruciales pour les MSP », citant la prise en compte d’une file active d’équipe, le renforcement du rôle des coordinateurs, la création d’assistants médicaux partagés ou encore l’intégration d’infirmières de coordination mobilisées sur les soins non programmés, la prévention, l’éducation thérapeutique et l’accompagnement des parcours patients. Autant de sujets suspendus…
« Peut-on aujourd’hui faire l’impasse sur la dynamique interprofessionnelle alors qu’elle incarne une réponse concrète aux fragilités de notre système de santé ? », s’interrogent les trois coprésidents d’AvecSanté, les Drs Pascal Gendry et Patrick Vuattoux et l’infirmière Emmanuelle Barlerin. Tous estiment que la décision de MG France et de la CSMF « est le signe d’un système conventionnel à bout de souffle ».
« Ne serait-il pas temps d’imaginer un modèle plus inclusif, plus adapté à la réalité du terrain et des équipes pluriprofessionnelles ? », lancent-ils. Une façon aussi d’expliquer que les tensions actuelles liées à des intérêts catégoriels (les revalorisations de certaines professions) risquent de freiner voire de geler l’ensemble du processus de déploiement du travail en équipe.
Une ligne pas de vagues ?
Les critiques et les leçons d’AvecSanté n’ont pas du tout été appréciées par MG France. « Là où AvecSanté semble prôner une ligne “pas de vagues", MG France choisit la responsabilité syndicale » en défendant « la valeur des accords conventionnels », recadre le syndicat, passablement agacé par les remarques d’un mouvement qui n’est au demeurant qu’observateur des négociations interpro (et non pas partie prenante). MG France assume sa décision qui vise justement à « défendre l’intérêt général de l’ensemble des professions déjà engagées dans des accords (pharmaciens, kinés, chirurgiens-dentistes), ou en attente de négociation (infirmiers notamment) ». « Comment construire un étage interprofessionnel solide, si les fondations de chaque profession sont fragilisées ? », tacle encore MG France, qui appelle AvecSanté à sortir « de la posture et à rejoindre un travail collectif pour renforcer les soins primaires ».
Le Dr Luc Duquesnel, président des généralistes de la CSMF, est lui aussi irrité par la sortie d’AvecSanté, jugée peu confraternelle. Le généraliste mayennais déplore même une réaction « anti-syndicale ». D’autant que, selon lui, il y aurait très peu d’argent à la clé à l’issue du round interpro. « On va prendre de l’argent aux grosses Sisa pour le redonner aux plus petites. On parle quand même d'une perte allant jusqu'à 25 % de l'ACI pour les plus matures ! » alerte le Dr Duquesnel.
Sollicité ce mercredi par Le Quotidien, le Dr Patrick Vuattoux, coprésident d’AvecSanté reste droit dans ses bottes. « Ce retrait (des syndicats de médecins) marque peut-être un tournant, analyse le généraliste de Besançon. Est-ce que les syndicats monoprofessionnels sont vraiment à leur place pour soutenir l’exercice en équipe ? » Pour sortir du blocage, AvecSanté plaide en faveur d’une convention spécifique pour les MSP, à l’instar de celle négociée par les centres de santé. Au-delà des tensions actuelles, une façon de vouloir réviser le cadre contractuel des négos interpo…
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