Trop c’est trop ! Dans une lettre ouverte adressée à la directrice de la caisse primaire d’assurance-maladie de Saint-Brieuc (Côtes-d’Armor), le collectif pour une médecine libre et indépendante (Comeli 22) qui rassemble 119 médecins est monté au front pour dénoncer la « pression » exercée par cette caisse pour faire diminuer le nombre d’arrêts de travail. Une méthode qui aurait poussé un jeune généraliste à jeter l’éponge et à quitter son cabinet où il exerçait depuis trois ans.
La colère du Comeli 22 est d’autant plus vive que ce médecin avait « le soin dans le sang et rêvait depuis longtemps de devenir médecin de famille », peut-on lire dans la missive. Ce confrère s’était installé dans un désert médical en Centre Bretagne. « Naturellement jeune installé, il a hérité des consultations non programmées de jeunes actifs qui aboutissent à des arrêts de travail », éclaire le Dr Yann Le Tacon, lui-même généraliste et porte-parole du Comeli, joint ce mercredi par Le Quotidien.
Mais selon le collectif mobilisé, la caisse se serait fiée seulement aux « chiffres », sans prendre en compte les caractéristiques de la patientèle. « Ce médecin a été convoqué en septembre 2023 pour une décision de mise sous objectif, raconte le Dr Le Tacon. Il avait pourtant une pratique irréprochable ! La caisse lui avait dit que ses arrêts de travail étaient conformes, sauf qu’il sortait des statistiques locales. »
« Acharnement »
À en croire le Comeli, la Cpam aurait conseillé au jeune médecin « de prendre moins de patients » pour diminuer ses dépenses d’indemnités journalières. « C’était choquant », tonne le généraliste installé à Tréguier. Cet « acharnement » se serait poursuivi après les premiers échanges. « Il a reçu trois fois en 2024 la visite d’un médecin-conseil lui faisant savoir qu’il était toujours dans le collimateur de la caisse et que l’idée d’une MSO restait en suspens, confie le Dr Le Tacon. Notre jeune confrère a craqué. »
Son départ a laissé sur le carreau « plus d’un millier de patients dans cette commune et ses alentours, qui n’ont donc plus de médecin traitant depuis le 31 décembre », déplore le porte-parole du Comeli 22, qui accuse la caisse de vouloir « la mort de la médecine générale libérale ». « Il y a un gouffre entre nous médecins, qui devons soigner plus de patients, et la Cpam qui n’a qu’une méthode comptable », regrette-t-il encore.
Contactée par Ouest France, la caisse des Côtes-d’Armor a refusé d’évoquer « la situation individuelle d’un professionnel de santé ». En revanche, elle rappelle son rôle dans « l’accompagnement du bon usage des arrêts de travail ». C’est dans ce cadre que l’Assurance-maladie est amenée à « rencontrer certains médecins et à échanger sur leurs pratiques de prescription d’arrêts de travail. Cette démarche est normale et fait partie des missions de l’Assurance-Maladie, qui est garante de la juste utilisation des ressources ».
Dans ce département, les relations médecins/caisse ne sont pas un long fleuve tranquille. Depuis 2018, face à la recrudescence des contrôles pour « délits statistiques », selon la sémantique utilisée par les médecins qui critiquent ces vérifications, plusieurs mobilisations ont eu lieu pour dénoncer les « méthodes » de la caisse.
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