Généraliste à Charleville-Mézières, le Dr Thierry Toussaint fait partie des victimes collatérales des violences urbaines qui secouent l’Hexagone depuis cinq jours. Son cabinet médical, où il exerce depuis 1992, a été presque entièrement détruit par un incendie déclenché par les émeutiers dans la nuit du 29 juin. Pour « Le Quotidien », le médecin ardennais a accepté de raconter sa découverte du sinistre et comment il s’organise aujourd'hui dans un local de fortune pour continuer à suivre ses patients.
LE QUOTIDIEN : Votre cabinet a-t-il brûlé entièrement ?
Dr THIERRY TOUSSAINT : Pas tout à fait. À l’origine, c’était un cabinet où nous étions deux associés mais dans lequel je me suis finalement retrouvé à exercer seul après le départ à la retraite de mon collègue. C’est surtout la salle d’attente du côté qu’il occupait qui a pris feu. La fenêtre a fondu, le volet a été dévoré par les flammes et comme l’immeuble était isolé avec du polystyrène, une grande partie des dégâts sont dus à la suie présente dans le reste de mon cabinet. Tout est noir et couvert de suie : ma salle d’attente, le hall, c’est impraticable ! La très forte odeur de fumée qui imprègne les lieux est intenable. Par chance, j’avais fermé la porte de ma salle de consultation, qui elle, a été à peu près préservée.
Quelle a été votre réaction en découvrant l’étendue des dégâts ?
C’est quelque chose qu’on ne peut pas imaginer. Quand vous arrivez le matin à huit heures moins dix pour commencer votre journée, et que vous voyez l’état du cabinet et de l’immeuble, vous vous dites que ce n’est pas possible. Je suis installé ici depuis 1992. C’est un quartier populaire qui ne connaissait pas vraiment de problèmes. Je n’avais jamais subi de dégâts ou quoi que ce soit de violent.
Votre cabinet n’a donc pas été visé spécifiquement ?
Non, c’est vraiment un concours de circonstances et de la malchance. Le cabinet est situé à côté d’un parking où sont garées les voitures des habitants de l’immeuble. Ceux qui ont mis le feu ont incendié une première voiture qu’ils ont poussée pour que le feu gagne les trois autres voitures stationnées. Les freins d’une des automobiles ont lâché, et elle a roulé tout doucement vers l’immeuble. C’est le mur du bâtiment qui l’a stoppée. Le feu de la voiture s’est ensuite propagé sur la façade.
Qu’avez-vous fait depuis le sinistre ?
Vendredi, je n’ai pas arrêté de courir. J’ai fait beaucoup de démarches. Espace Habitat, qui s’occupe du petit HLM où je suis locataire de mon cabinet m’a trouvé, dans l’urgence, un local qu’ils mettaient à disposition d’une association. J’ai ainsi pu me réinstaller rapidement. J’ai déménagé entre vendredi et samedi pour essayer d’en faire quelque chose de fonctionnel.
Bon, ce n’est pas l’endroit où j’aurais aimé être, mais dans l’urgence, c’est mieux que rien. Là, j’attends l’expert qui doit passer ce mardi pour savoir s’il sera possible de remettre les locaux en état assez rapidement.
Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
J’ai eu beaucoup de soutien moral de la part de mes patients. Certains se sont spontanément proposés pour venir m’aider à déménager. Il y a beaucoup de patients qui sont charmants,mais j’avais déjà tout fait avec des amis et mon fils dès vendredi. Samedi matin, tout était en place. Une collègue qui part en retraite m'a proposé son matériel médical mais le mien a été épargné par l’incendie. Enfin, un ami qui tient un magasin de matériel médical sur Charleville m’a prêté une table d’examen pour pouvoir la mettre dans ce cabinet que j’espère le plus provisoire possible. Pour l’instant, j’ai réussi à me débrouiller à peu près tout seul.
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