Ils avaient décidé de marquer le coup une bonne fois pour toutes. À la suite de l’agression d’un de leur confrère et de sa secrétaire survenue le 25 janvier, l’association des médecins généralistes de Laon (Aisne) a fait le choix, début février, d’interrompre sa permanence du samedi matin.
Mis en place il y a une vingtaine d’années, ce système, indépendant de la permanence des soins (PDS) fonctionnait jusqu’alors plutôt bien. Après avoir appelé le numéro dédié, le patient était redirigé vers le médecin d’astreinte qui recevait en moyenne une dizaine de patients chaque samedi matin. « Depuis plusieurs années, les médecins de Laon avaient convenu, entre eux, d’assurer une forme d’astreinte : à tour de rôle, l’un d’eux assurait des consultations aux horaires habituels tous les samedis matin, de neuf heures à midi ou de huit heures à midi, ce qui permettait de désencombrer un peu les urgences et la permanence des soins qui commencent à midi », explique le Dr Jean-Marie Tilly, généraliste et président de l’Ordre des médecins de l’Aisne.
L’agression de trop
Mais fin janvier, cette organisation a été profondément « ébranlée », témoigne le représentant de l’Ordre local, qui observe une montée en puissance des violences ces dernières années. Les deux victimes « ont subi une agression verbale d'une rare violence. Cet événement les a profondément marqués. Cela faisait déjà plusieurs mois que c’était devenu la jungle le samedi matin. »
Généraliste à Laon, le Dr Benoît Cabanel, un des généralistes du dispositif, fait, lui aussi, état d’un climat de travail particulièrement délétère. « Depuis quelques semaines, l’affluence du samedi matin était devenue ingérable. Cela commençait à poser véritablement problème, relate le médecin de famille totalement démuni face au manque de médecins de son territoire. Cette agression a vraiment été la goutte de trop ! »
À la suite de ce drame, la réponse des généralistes Laonnois a été unanime. « On a tout simplement décidé de cesser cette permanence du samedi matin. »
Ne plus dire oui à tout
Ce samedi 1er mars, après plusieurs semaines de réflexion, le pool de généralistes de la commune a finalement décidé de reprendre du service dans une tout autre configuration : « Nous avons mis en place un numéro commun qui rebascule directement les appels sur le secrétariat du médecin d’astreinte, explique le Dr Cabanel. Désormais, on ne prendra plus que sur rendez-vous. Une fois que ces rendez-vous auront été pris, ça sera fini ! », prévient-il, résolument convaincu à ne plus dire oui à tout.
Et pour le moment, le système semble porter ses fruits. « La consœur qui a travaillé samedi n’a rencontré aucun problème », lance le Dr Cabanel, soulagé. Pour le représentant de l’Ordre aussi, cette organisation devrait apporter plus de sérénité. « Les patients auront chacun un rendez-vous et les horaires seront tenus. Avec ce nouveau système, on espère que les salles d’attente seront plus calmes et que la sécurité des médecins sera assurée. En tout cas, il ne faut plus qu’il y ait 10, 15 ou 20 patients qui déboulent chaque samedi dans la salle d’attente du médecin avec toutes les tensions que ça peut créer ! »
Accès aux soins très tendu
Cette accalmie sera-t-elle de longue durée ? Avec, en 2022, 54 médecins pour 100 000 habitants (contre 82 pour la région et 84 pour 100 000 en moyenne nationale), le bassin de vie de Laon, qui compte 24 000 habitants, demeure extrêmement sinistré sur le plan de sa démographie médicale.
En décembre, les praticiens de l’association des médecins de Laon ont d’ailleurs décidé, faute de ressources humaines, de fermer définitivement la maison médicale de garde (ouverte tout le week-end et sans rendez-vous) qui était située juste à côté de l’hôpital. « Le dimanche, le médecin de garde pouvait voir jusqu’à 70 patients, voire une petite centaine, il n’y avait aucune régulation », déplore le Dr Cabanel. Un rythme impossible à tenir qui a fini par épuiser les équipes. « Nous avons tiré la sonnette d’alarme mais l’ARS n’a pas voulu nous écouter », regrette l’omnipraticien qui assure que les relations avec ses confrères hospitaliers sont restées, elles, « tout à fait cordiales ».
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique