« Circulation à Paris : Patients vulnérables en danger, soignants empêchés d’exercer » : c’est en ces termes forts que la CSMF Île-de-France souligne aujourd’hui les « conséquences dramatiques pour les patients fragiles et leurs soignants » résultant, selon elle, d’une situation devenue « critique » sur le plan de la circulation et du stationnement dans la capitale. Si la question des difficultés de déplacement n’est pas nouvelle, la centrale juge que les « récentes restrictions de circulation » et les « embouteillages chroniques » à Paris risquent de « mettre en péril » la continuité des soins, notamment « pour les patients âgés et vulnérables ».
Après l’abaissement de sa vitesse, le périphérique parisien vient de connaître début mars une nouvelle évolution avec la mise en place de voies de covoiturage (héritage des JO), une file de gauche réservée aux véhicules transportant au moins deux personnes (du lundi au vendredi aux heures de pointe) et donc en principe interdite aux automobilistes en solo.
Les soignants déjà confrontés à des embouteillages chroniques et paralysants à Paris ne peuvent tout simplement plus assurer correctement les visites à domicile
Dr Georges Siavellis, président de la CSMF Île-de-France
De quoi raviver l’exaspération des médecins libéraux. Pour le Dr Georges Siavellis, président de la CSMF Île-de-France, « les soignants qui sont déjà confrontés à des embouteillages chroniques et paralysants à Paris ne peuvent tout simplement plus assurer correctement les visites à domicile ». Fautes de déplacements, des patients en perte d’autonomie, parfois isolés, voient leurs soins « retardés, voire annulés », affirme la CSMF.
Dans le 19e arrondissement où exerce le Dr Mickaël Riahi, délégué régional de la CSMF, la situation est devenue invivable. « Dans mon quartier autour des Buttes-Chaumont, les restrictions de circulation et de stationnement sont telles que les infirmiers et les médecins ont du mal à se rendre chez leurs patients, raconte le généraliste parisien. Pour certains patients, nous devons prendre plus d’une demi-heure pour faire le détour ». Même galère pour le stationnement qui est gratuit sous conditions d’exercice dont le fait d’effectuer plus de 100 visites par an*. « Le problème c’est aussi le manque de places ! Certaines infirmières ont également eu des amendes de 90 euros et du coup, elles ne font plus leur tournée », ajoute le Dr Riahi. Ces difficultés récurrentes n’épargnent pas les patients qui se déplacent en voiture (personnelle ou ambulance). « Ils sont coincés dans les embouteillages. Les rendez-vous médicaux sont retardés, c’est hallucinant », se désole le syndicaliste, qui assure avoir connaissance de ces désagréments presque chaque jour.
Absence de dialogue
Presque tous les quartiers parisiens connaissent cette saturation. Ce « piège d’une ville congestionnée », insiste la CSMF, se traduit par des « retards aux consultations hospitalières, des rendez-vous manqués et un risque accru de complications médicales ». Sans compter l’impact psychologique et physique pour tous les travailleurs et soignants à domicile. « Les médecins traitants sont les témoins impuissants du stress occasionné par cette situation chez ces travailleurs, avec un risque accru d’arrêt de travail, insiste la centrale francilienne. Ce sont les plus fragiles qui paient le prix fort une politique de mobilité inadaptée à la réalité du soin, de la vie et du travail ».
Dans ce contexte, la CSMF n’hésite pas à pointer la responsabilité de l’équipe municipale. Le Dr Siavellis déplore « une absence totale de dialogue avec la mairie de Paris » sur ces difficultés et entend alerter les élus parisiens pour faire pression. « Nous demandons un rendez-vous pour présenter nos propositions afin de faciliter le travail des soignants », martèle le généraliste à Noisy-Le-Sec. Pour le Dr Riahi également, « il est plus que temps que la Ville de Paris intègre enfin les impératifs de santé publique dans ses décisions de circulation ».
Les médecins en visite, pas prioritaires ?
L’organisation se concentre sur trois demandes urgentes : la mise en place d’un « accès prioritaire » aux professionnels de santé dans la circulation, dans les couloirs de bus et dans les fameuses voies de covoiturage ; une « politique de stationnement adaptée pour les soignants assurant des soins à domicile » avec une augmentation des places de stationnement/livraisons qui leur seraient réservées gratuitement ; et une remise à plat des restrictions de circulation qui deviennent « dangereuses », à l’échelle de la capitale et de ses abords.
Sollicitée par Le Quotidien, la ville de Paris reste droite dans ses bottes. En ce qui concerne la circulation sur la voie de gauche du périphérique réservée au covoiturage, aucune dérogation n’a été prévue à ce stade pour les médecins. « En tant que professionnel, vous êtes soumis à la même réglementation que celles des véhicules particuliers » répond-elle. Seuls les véhicules d’intérêt général prioritaire et bénéficiant de facilités de passage (Samu, ambulances privées, police, etc.) bénéficient de cet accès dérogatoire. Pas sûr que cette première réponse apaise les tensions avec les soignants libéraux en visite confrontés au casse-tête de la circulation et du stationnement.
* Le droit de stationnement PRO Soins à domicile s’adresse aux médecins, kinés, infirmiers, sages-femmes et orthophonistes (indépendants ou salariés d'une association ou d'un établissement public de santé), pédicures/podologues et professionnels de la rééducation exerçant à Paris et effectuant plus de 100 visites à domicile par an à Paris
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