« L’annonce de la venue de la ministre nous est tombée dessus. Nous avons été surpris d’avoir été choisis mais si cela peut apporter de la visibilité, nous sommes prêts », affirme le Dr Adil Mushtaq. Avec son confrère, le Dr Thomas Berbak, le généraliste accueille ce jeudi 31 octobre en grande pompe la ministre de la Santé Geneviève Darrieussecq. Après un premier déplacement en zone rurale dans la Creuse, la nouvelle locataire de Ségur a jeté son dévolu sur la maison de santé pluridisciplinaire Bemson, située dans un quartier prioritaire de Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise).
Ouverte depuis fin décembre en lieu et place de l’ancienne Maison des arts, cette structure rassemble 25 professionnels libéraux dont sept médecins généralistes, des spécialistes (chirurgiens, gynécologues), une sage-femme, des paramédicaux (infirmiers, kinés, ostéopathes, podologue, orthophonistes). S’étalant sur une surface de 1 500 m2, le bâtiment moderne abrite aussi un pôle de soins non programmés ouvert de 9 heures à 20 heures où alternent quatre généralistes, un pôle de spécialistes (radiologues, chirurgiens orthopédistes), un cabinet de kinés, un autre d’infirmiers et un pôle d’imagerie médicale. « Nous portons ce projet de longue date et nous avons eu beaucoup de mal à trouver les locaux », raconte le Dr Thomas Berbaq à la ministre, très attentive.
Ici, tout a été organisé pour alléger les charges administratives des professionnels de santé : des hôtesses d’accueil pour diriger les patients, des secrétaires pour s’occuper des agendas des médecins, une personne dédiée pour s’occuper des rejets de facturation par la Sécurité sociale, etc. « L’objectif est de libérer du temps médical pour permettre aux médecins de se centrer sur la médecine », explique Amin Benghazi, responsable de la maison de santé. « La bonne recette pour que les jeunes médecins s’installent, résume le Dr Mushtaq, c’est une bonne entente entre les professionnels de santé et une gestion administrative dédiée à d’autres personnes. » Soutenue depuis le début par la mairie (qui a financé le projet à hauteur de 600 000 euros), le conseil régional et l’ARS, la maison de santé attire des jeunes médecins mais aussi les autres professionnels de santé. La preuve : dans la structure, la moyenne d’âge des praticiens est de 40 ans.
Une organisation « intelligente » pour la ministre
« J’ai découvert des professionnels assez extraordinaires qui ont su être très innovants dans la construction de cette maison de santé pour venir apporter une offre de santé à la population », félicite sans détour Geneviève Darrieussecq. « Nous avons besoin que la médecine libérale s’organise intelligemment comme c’est le cas d’ici », poursuit-elle.
C’est pour soutenir encore davantage « ce modèle de travail en équipe, en coordination avec l’hôpital » que Geneviève Darrieussecq a adressé le 21 octobre au directeur général de la Cnam Thomas Fatôme une lettre de cadrage pour lui demander d’engager « dans les prochaines semaines de nouvelles négociations conventionnelles », « afin notamment de conforter la dynamique créée par le plan 4 000 maisons de santé pluriprofessionnelles ».
Dans ce courrier que Le Quotidien a pu consulter, l’allergologue a fixé trois priorités aux partenaires conventionnels. Il s’agit en premier lieu « de sécuriser et consolider les structures existantes », fragilisées notamment par le départ à la retraite des médecins ou encore la présence d’un grand nombre d’associés dans la Sisa (société interprofessionnelle de soins ambulatoires). « Je vous demande également de prêter attention à la simplicité et à la lisibilité de l’ACI [accord-cadre interprofessionnel, NDLR], notamment dans le choix des indicateurs retenus », peut-on lire dans la lettre.
Une ligne financière dans l’Ondam 2025
Deuxième priorité : la ministre est favorable à la mise en place « d’une rémunération » pour renforcer la structuration des équipes en développant le travail aidé. En ce sens, la généralisation de l’expérimentation Ipep (incitation à une prise en charge partagée) pourrait servir de modèle de rémunération d’équipe.
Enfin, pour améliorer l’accès aux soins, les maisons de santé pourront aussi être incitées davantage à répondre à des enjeux prioritaires comme la prise en charge des soins non programmés via leur participation aux services d’accès aux soins (SAS) ou à la permanence des soins ambulatoire (PDSA). Pour rappel, la participation aux soins non programmés fait déjà partie des nouvelles missions des maisons de santé, définies dans le cadre de l’avenant conventionnel signé en 2021 avec la Cnam.
Selon Geneviève Darrieussecq, la France compte aujourd’hui 2 600 maisons de santé (dont 2 200 signataires de l’ACI). À Garges-lès-Gonesse, la ministre a confirmé que l’objectif des 4 000 structures à l’horizon de 2027 est bien le sien. Mais avec quel financement ? Pour continuer à investir dans les maisons de santé, l’allergologue a précisé au Quotidien qu’une « ligne financière » ad hoc est bien prévue dans le prochain budget de la Sécu.
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