Toutes les bonnes choses ont une fin. Après quarante ans au service de ses patients, le Dr Marcel Garrigou-Grandchamp a fermé la porte de son cabinet du 3e arrondissement de Lyon pour la dernière fois vendredi, non sans un pincement au cœur. « On n’est pas préparé à ça, confie ce généraliste de 65 ans. C’est dur de quitter les patients, on a l’impression de les abandonner, même si on a plus trop le choix et qu’il faut arrêter un jour. C’est un peu gênant ».
J’ai rangé le fauteuil sous le bureau lundi c’est mon successeur qui l’occupera. Ces 15 derniers jours ont été éprouvants pour mes patients et pour moi. Il est dur de se quitter après presque 40 ans et je ne pensais pas qu’ils étaient tant attachés à moi pic.twitter.com/anIyUvEPEh
— MGG (@marcelgarrigou) April 6, 2019
Les dernières semaines auront été marquées par des pleurs, des marques d’affections et des cadeaux de la part de ses patients. « Je croule sous les bouteilles de champagne et autres friandises. Les patients sont terribles pour ça… », dit le médecin de famille qui s'est installé dans son cabinet en 1982 et a vécu des derniers jours d'exercice chargés d'émotion : « C’est surtout ce qu’ils m’ont dit qui m’a bien plus touché. (…) Une de mes patientes est venue au cabinet avec la photo des quatre générations de sa famille à qui j’avais prodigué des soins. Je n’avais pas réalisé que j’avais soigné ses grands-parents, ses parents, elle-même et ses enfants. Ça fout un coup de vieux. »
Contraint de s’arrêter deux fois dans sa carrière après un accident de moto et des ennuis ophtalmologiques, le médecin lyonnais avait été déçu par certains de ses patients, qui « l’avaient quitté sans un mot ». « Après ces deux arrêts maladies, je ne pensais pas que les patients étaient autant attachés à leur médecin, confie-t-il. Eh bien si, il y a quand même un noyau dur très attaché à son médecin traitant ! »
Trouver un successeur : « un petit miracle »
« Un petit miracle » permet néanmoins au Dr Garrigou-Granchamp de partir « serein ». Après avoir pris la décision de quitter son cabinet il y a six mois, le généraliste avait déposé des annonces pour trouver un successeur, en vain. Jusqu'à il y a trois mois, quand un confrère qu'il avait aidé dans le passé — le Lyonnais est engagé syndicalement depuis le début de sa carrière — lui a parlé d’un généraliste de son établissement qui s’ennuyait en gériatrie. « Je lui ai dit : "tu me l’envoies et je vais lui faire découvrir la médecine libérale". Il était sympathique et ça l’a intéressé donc je lui ai proposé de prendre le relais, ce qu’il a accepté », raconte le Dr Garrigou-Granchamp.
Finalement, c’est « quelque part soulagé » que le praticien s’est couché vendredi soir. Entre son activité de généraliste à temps plein, la cellule juridique de la FMF (Fédération des médecins de France) qu’il a créée, et ses activités en lien avec l'e-santé à l’URPS Auvergne-Rhône-Alpes, le sexagénaire estimait travailler entre « 80 et 90 heures par semaine ».
Un agenda de retraité bien chargé
S'il va pouvoir souffler, le généraliste ne devrait pas s’ennuyer, comme en atteste l’emploi du temps de sa première journée à la retraite. Ce lundi matin, le Dr Garrigou-Granchamp a tout d'abord été réveillé par l’appel d'un patient. « J’avais un transfert de ligne automatique et malgré le changement de nom du contrat téléphone, le transfert vers mon numéro est resté activé », s’amuse-t-il.
Le tout jeune retraité s’est ensuite rendu aux domiciles de deux patients handicapés. Afin de ne pas « arrêter brutalement », Marcel Garrigou-Granchamp a opté pour le cumul emploi-retraite et continuera d'assurer quelques visites en Ehpad et aux domiciles de ses « derniers patients âgés handicapés, qui ne peuvent pas bouger ».
Il avait ensuite rendez-vous à la mairie de Villeurbanne pour l’URPS et avait également prévu de rendre visite à son successeur avant la fin de la journée. Dans les mois à venir, il rencontrera également l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes au sujet de deux projets rentrant dans le cadre de l'article 51 du Budget de la Sécu pour 2018, relatif aux innovations.
Le Dr Garrigou-Granchamp restera aussi impliqué dans la cellule juridique de la FMF. « Et il y a de quoi faire ! À chaque changement à la tête de la caisse, le nouveau directeur veut affirmer son autorité et harcèle les médecins ». S'il a rangé son stéthoscope, le syndicaliste n'en a pas fini avec le monde médical. Il a déjà annoncé qu'il garderait à l'œil les caisses de Paris et des Côtes-d'Armor.
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