La pratique de la médecine générale ne se résume pas à la prise en charge globale du patient, ni à la continuité et coordination des soins, en cabinet isolé ou en maison de santé. Lors du congrès de l'ISNAR-IMG, trois praticiens ayant choisi un exercice hors des sentiers battus ont partagé un bout de leur quotidien avec leurs jeunes confrères.
C'est le cas du Dr Julien Mirabel, généraliste à Val-Cenis (Savoie), une vaste station de sports d'hiver qui se déploie entre 1500 et 2 800 mètres d'altitude. Son activité se démarque de la médecine générale classique. « Je suis généraliste avant tout mais j'ai une activité spécifique en traumatologie, principalement du genou et de l'épaule, due aux blessures de ski l'hiver et de VTT l'été. Nous faisons de la petite chirurgie ».
Plateau technique au cabinet
Dans cette station de montagne, l'hôpital le plus proche est situé à plus de 45 minutes de route. Le cabinet du Dr Mirabel dispose d'un petit plateau technique. Il travaille en interprofessionnalité avec des infirmiers et des manipulateurs radios. « Nous avons des outils plus techniques, comme une salle de plâtres, une pour réaliser des radios mais aussi des échographies pour lesquelles nous sommes formés », précise le médecin. Son rythme professionnel s'écrit à deux vitesses. Quelque 3 000 habitants vivent dans la vallée mais en hiver, haute saison, 30 000 personnes y passent. Avec ce cadre de vie unique, le généraliste ne ferait pas marche arrière. « En intersaison, c'est beaucoup plus calme, la montagne vous offre de nombreux avantages. Après il faut aimer être éloigné de la ville... »
Le Dr Françoise Tattevin en sait quelque chose. Elle a préféré s'isoler sur l'île de Groix, territoire de 8 km de large et 4 km de long, à 45 minutes de bateau de Lorient. Son activité est, là aussi, rythmée par les saisons. « Actuellement nous sommes deux médecins travaillant à mi-temps pour 2 300 habitants, on passera à 5 praticiens en juillet-août pour répondre à la demande touristique », raconte-t-elle. L'été, les patients sont souvent ceux qui n'arrivent pas à joindre leur médecin traitant du continent ; le reste de l'année, le Dr Tattevin s'occupe des Groisillons, majoritairement âgés et polypathologiques. « Avant, quand je travaillais sur le continent, les consultations duraient une quinzaine de minutes ici c'est beaucoup plus long ! », confie-t-elle. Elle précise travailler en équipe avec l'hôpital de Lorient, les correspondants du SAMU, les pompiers pour la petite traumatologie et les infirmiers. « Et s'il faut, un hélico peut être là en 10 minutes », ajoute-t-elle.
L'aventure à la Roche-sur-Yon
Dans un autre registre, le Dr Brigitte Tregouet a choisi de s'occuper des migrants dans sa maison de santé pluriprofessionnelle de la Roche-sur-Yon (Vendée). Il y a une quinzaine d'années, le cabinet a reçu et pris en charge plusieurs vagues de patients étrangers – Tchétchènes, Russes puis des Somaliens, Guinéens et Tchadiens. « Ils sont physiquement et psychologiquement marqués par la guerre, témoigne le Dr Tregouet. Je me suis interrogée sur ma pratique ».
Outre l'hépatite C, le VIH et la syphilis souvent acquis au cours du trajet migratoire, « beaucoup de patients souffrent de pathologies psychiatriques dues à la torture ou à l'exil », confie-t-elle. Les barrières linguistiques et culturelles complexifient la prise en charge. « J'ai appris à dire "mal de tête" en russe », signale-t-elle. La MSP a embauché un interprète 2 heures par semaine. Pour cette généraliste, c'est une aventure humaine. « Nous sommes impactés par ce qu'ils vivent, leur tragédie. Des liens d'une exceptionnelle densité se nouent, vous prenez une importance considérable dans leur vie. Vous avez le temps de voir dérouler leur existence ».
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