À l’occasion du congrès Urgences 2025, le Pr Sandrine Charpentier (Toulouse) a présenté les bases du Guide de l’organisation des urgences qui a pour but l’approche transversale pluriprofessionnelle du métier d’urgentiste. Cette spécialité – assez jeune – fait en effet face à un problème d’attractivité en partie liée à la non-définition de questions pourtant essentielles : Qu’est-ce qu’un urgentiste et quelles sont les missions des structures d’urgence ? Faut-il faire évoluer, rationaliser ou réguler l’accès aux urgences ? Quels modèles organisationnels efficaces et pérennes pour répondre aux besoins du terrain ? Doit-on accepter tous les patients qui se présentent dans les services d’urgences ?
Toujours en avance sur la France, la National Academy of Medicine’s Action Collaborative on Clinician Well-Being, aux États-Unis (2, 3), propose, dans certains services d’urgences, des interventions systémiques pour améliorer les environnements de travail clinique afin de réduire l'épuisement professionnel des cliniciens, de favoriser le bien-être et de promouvoir des soins de haute qualité et sûrs aux patients. L’idée est principalement de poser les bases d’un travail en équipe – autonomie, relations collégiales, solidarité interprofessionnelle, implication dans la direction de l’unité et encadrement solidaire – pour éviter le risque d’épuisement professionnel, l’insatisfaction au travail, les événements indésirables et diminuer le temps d’attente des patients (l’un des grands pourvoyeurs de stress des soignants).
Des ressentis qui divergent chez les IDE et les médecins
K. Jane Muir et coll. (1) ont choisi d’évaluer l’impact de la mise en œuvre de ce type d’interventions dans 47 hôpitaux en interrogeant 1 190 infirmiers (IDE) et 414 médecins. L’idée était d’évaluer le ressenti de l’environnement professionnel des deux types de soignants et l’impact sur l’épuisement professionnel, l’insatisfaction au travail, l’intention de quitter leur poste dans les 12 mois, la sécurité des patients et les mesures de qualité des soins. L'échantillon global des soignants (n = 1 604) était âgé en moyenne de 39,4 ans (écart-type = 11,2), composé à 72,3 % de femmes, avec 8,3 ans d'expérience (écart-type = 7,9). Par ailleurs, 77,7 % étaient caucasiennes et 93,6 % non hispaniques.
Il faut que l’encadrement s’implique pour évaluer régulièrement les mesures sur l’ambiance de travail
Premier résultat marquant, médecins et IDE s’accordaient sur l’existence d’une bonne ambiance de travail dans 15 établissements seulement. Dans 10 hôpitaux, les deux professions mettaient en avant une mauvaise ambiance ; enfin, dans les 22 établissements restants, le ressenti des IDE était bien moins bon que celui des médecins, alors que les mêmes mesures étaient prônées dans tous les hôpitaux. C’est la preuve que proposer des mesures n’est pas suffisant, il faut aussi que l’encadrement s’implique pour les mettre en place et les évaluer régulièrement.
En cas de désaccords, s’interroger sur la mise en œuvre
Comparés aux hôpitaux où les soignants s'accordaient sur un environnement favorable, les hôpitaux où ils s'accordaient sur un environnement défavorable présentaient des taux significativement plus élevés d'épuisement professionnel (β : 25,8), d'insatisfaction au travail (β : 32,5), d'intention de quitter son poste dans l’année à venir (β : 31,7) et de notes défavorables en matière de sécurité des patients (β : 29,1), après ajustement pour les caractéristiques de l'hôpital (p < 0,001 pour tous). Et ces chiffres étaient sensiblement identiques dans les établissements où les IDE – et non les médecins – considéraient que l’ambiance de travail était défavorable.
Pour les auteurs, « ces résultats impliquent que si deux partenaires essentiels des soins d’urgence au sein d’une même institution ne s’entendent pas sur les lacunes des environnements de travail, il est important de s’interroger sur les défauts de mise en œuvre ».
Cette notion d’ambiance d’équipe, si l’on se fonde sur le travail de K. Jane Muir et coll., est déterminante pour le bien-être des équipes et leur devenir dans la spécialité. Une piste à creuser en ne confondant pas bonne ambiance et affinités personnelles.
(1) Muir, K.J., Agarwal, A.K., Golinelli, D. et coll. Association of emergency department nurse and physician work environment agreement on clinician job and patient outcomes. BMC Health Serv Res 25, 709 (2025)
(2) Aiken LH, Lasater KB, Sloane DM et coll. Physician and Nurse Well-Being and Preferred Interventions to Address Burnout in Hospital Practice: Factors Associated With Turnover, Outcomes, and Patient Safety..JAMA Health Forum. 2023 Jul 7;4(7):e231809.
(3) Turnbach E, Coates L, Vanek FD et coll. Emergency Nurses' Well-Being in Magnet Hospitals and Recommendations for Improvements in Work Environments: A Multicenter Cross-Sectional Observational Study. Emerg Nurs. 2024 Jan;50(1):153-160.
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