Les « Gilets jaunes » blessés et terminant à l'hôpital sont-ils fichés ? Mardi, l'AP-HP et l'ARS Île-de-France ont reconnu avoir déclenché l'utilisation du SI-VIC, un fichier utilisé « en cas de situations sanitaires exceptionnelles ». Ce fichier avait été créé après les attentats de 2015 afin de faciliter l'identification des victimes d'attaques.
L'AP-HP et l'ARS se sont toutefois défendues de « ficher » les « gilets jaunes », assurant que « dans le respect du secret médical, celui-ci ne comporte (...) aucune donnée sur la nature des blessures prises en charge ». « Des clous ! », s'exclame ce mercredi le Canard Enchaîné, qui avait révélé l'affaire.
Des infos médicales sans anonymisation
Selon l'hebdomadaire, la case « commentaires » des fiches regorge d'informations médicales. Le Canard en cite quelques-unes, pêle-mêle : « Tir flash-ball : plaie arcade », « tuméfaction ORL : plaie oreille », « traumatisme main gauche »…
Le Canard affirme également que le SI-VIC est renseigné en temps réel par les hôpitaux. « L'inscription d'Untel résidant à telle adresse, pris en charge à 16 h 46 pour un tir de flash-ball à Cochin représente une info en or pour les flics qui voudraient le cueillir ou simplement enrichir leur répertoire de manifestants », souligne l'hebdomadaire.
D'après le décret encadrant le dispositif, le SI-VIC est consultable par des « agents habilités » du ministère de la Santé mais aussi de l'Intérieur, de la Justice, des Affaires étrangères… « Une vraie passoire », lance le Canard, qui précise qu'une procédure d'anonymisation existe… pour les forces de l'ordre uniquement !
Les hôpitaux censés informer les patients
Enfin, l'hebdomadaire explique que si la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait autorisé la création de ce fichier, celle-ci l'avait conditionné à l'information des personnes concernées et de leurs proches. Or, selon plusieurs sources du Canard, aucun document d'information n'a été remis aux personnes fichées.
Après l'Ordre vendredi, l'UFML-S demande à son tour des comptes au ministère de la Santé. Dans un communiqué paru mercredi, le syndicat présidé par le Dr Jérôme Marty appelle Agnès Buzyn à fournir des « éclaircissements ». « S’il apparaît que les services de l’État ont sciemment bafoué le secret médical, la profession médicale devra en tirer les conséquences et demander la démission des plus hauts responsables de ce scandale politico-sanitaire », prévient le syndicat.
L'AP-HP reconnaît des utilisations « inappropriée »
Ce mercredi midi, jour de parution du Canard Enchaîné, l'AP-HP a annoncé dans un communiqué diligenter avec l'ARS une « inspection pour objectiver de façon transparente l’utilisation qui a été faite de l’application SI-VIC dans ces dernières semaines ».
« À la suite des investigations conduites pour vérifier certains éléments parus dans la presse, il apparaît que les onglets " commentaire " de l’application ont pu être utilisés pour mentionner des éléments de nature médicale », reconnaît l'AP-HP selon qui cette pratique a été « marginale ». La case " commentaires " aurait été « remplie de manière inappropriée pour rajouter des informations que les équipes pensaient utiles sur la nature de la blessure », ajoute le CHU d'Ile-de-France.
« Cette précision, qui avait été mentionnée dans un souci de bonne prise en charge des patients, n’aurait pas dû apparaître ; au contraire, il aurait dû être rappelé qu’aucune information médicale ne devait être saisie. », conclut l'AP-HP qui assure avoir donné des instructions « pour corriger ces éléments ».
Article mis à jour à 12h30.
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