Défiscalisation : la recette miracle et rapide n’existe pas

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Publié le 30/06/2025
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Nos deux précédents articles vous ont présenté deux petites voies de défiscalisations professionnelles (CESU et chèques-vacances). Voici aujourd’hui quelques repères de base à ne jamais perdre de vue en la matière, sous peine de déconvenues certaines à l’arrivée en raison de nombre de pièges de calcul dans vos simulations. Une excellente occasion de vérifier ceux que l’on vous propose…

Hormis les défiscalisations opérant sur vos recettes, toute défiscalisation professionnelle commence par une dépense déductible

Hormis les défiscalisations opérant sur vos recettes, toute défiscalisation professionnelle commence par une dépense déductible
Crédit photo : GARO/PHANIE

Pression fiscale et sociale s’opposent

● Dans notre système français, votre pression sociale effective — le poids réel de vos cotisations sociales obligatoires (CSO) — diminue à mesure que votre revenu professionnel imposable et non imposable augmente ! Autrement dit, plus le médecin libéral augmente ses revenus professionnels (imposables ou non), moins il paie in fine de cotisations sociales en proportion de ses revenus réels. Ceci est dû aux divers plafonnements de vos cotisations Carmf, et cela étonne toujours les débutants en libéral lorsqu’ils commencent à comprendre comment fonctionne la pression sociale. Exemple en 2024 : un médecin libéral secteur 2 réalisant 20 kiloeuros de revenus professionnels supportera un taux de pression sociale de 50,11 %, tandis que s’il réalisait 250 kiloeuros de revenus, son taux serait de 37,86 %, et de 29,04 % pour 500 kiloeuros de revenus ! Soit 12 points de moins en passant à 250 kiloeuros, et 21 points en atteignant 500 kiloeuros ! Tandis qu’à l’issue de la réforme dite de l’assiette sociale applicable depuis le 1er janvier dernier à vos revenus 2025, cela ne s’atténue qu’à peine en secteur 2 puisque les retenues sociales seront de 51,64 % pour 20 kiloeuros de bénéfices réalisés, puis de 39,97 % pour 250 kiloeuros, et de 30,87 % pour 500 kiloeuros.

● Et côté fiscal, c’est l’inverse qui se produit : la pression fiscale croît avec le revenu imposable par sauts de tranches d’imposition subis sur vos euros de revenus professionnel dès après le dépassement de chaque borne supérieure du quotient de votre foyer fiscal. Ceci est lié à la progressivité brutale du taux d’imposition dit marginal (TMI variant de 0 % à 45 %) sur chaque tranche de revenu (R) vis-à-vis des parts fiscales (N) d’un foyer de contribuable : son quotient familial R/N. Et bien entendu, cette tendance de pression fiscale effective s’alourdit encore plus rapidement en cas d’existence d’autres revenus imposables (revenus non médicaux, revenus du conjoint, revenus du patrimoine, etc.) au sein du foyer fiscal. Mais un piège méconnu reste le plafonnement des effets du quotient R/N. Pour l’éviter, on distingue les parts d’adulte (N/a) non plafonnées, des parts d’enfants à charge qui sont plafonnées. D’où l’impact financier parfois délicat à évaluer justement d’une mesure de défiscalisation professionnelle qui vise à diminuer le revenu professionnel imposable. Exemple simplifié en 2024 : jusqu’à 11,5 kiloeuros de revenus imposables, le célibataire (N = 1) ne paiera aucun impôt ; et de 11,5 à 29,5 kiloeuros de revenus, l’impôt sera de 11 % pris sur cette tranche de revenus (mais là, il existe encore le piège de la décote !) ; puis de 29,5 à 83 kiloeuros, le taux d’impôt passera à 30 % ; de 83 à 180 kiloeuros, le taux passera à 41 %, et au-delà à 45 %. Mais si s’ajoutent des parts fiscales (conjoint, enfants, proches à charge, etc.), l’impact de N ne doublera, triplera ou quadruplera pas forcément ces tranches de revenus.

Défiscalisation professionnelle = dépense, soit une sortie de trésorerie

De principe général, hormis les défiscalisations opérant sur vos recettes (PDSA, ZRR, ZFRR, ZFU-QPV, etc.), toute défiscalisation professionnelle commence par une dépense déductible. Et quel que soit votre objectif initial poursuivi par votre projet de défiscaliser (épargner, renforcer votre prévoyance personnelle, ou dépenser immédiatement cette économie générée), toute défiscalisation réussie doit engendrer tôt ou tard un gain final, souvent sous la forme d’une économie de prélèvements obligatoires en impôt et/ou CSO, soit un gain réel de pouvoir d’achat. C’est pourquoi ce qui suit est fondamental, mais si souvent oublié en pratique courante…

Chiffrer et contrôler l’économie finale

Au différé de trésorerie près qui lui est inhérent (la dépense initiale), vous conviendrez aisément qu’une défiscalisation réussie conduit vers ce gain de pouvoir d’achat avec moins d’efforts que le fameux « travailler plus pour gagner plus », acte de gestion qui demeure encore plus… taxé sauf cas ou conjonctions de facteurs particuliers !

Il faut calculer combien de jours de travail supplémentaires vous auraient été nécessaires pour gagner autant qu’en défiscalisant

C’est pourquoi plutôt que de raisonner sur une simple évaluation en euros gagnés, nous préconisons systématiquement de pousser votre chiffrage jusqu’au bout de la démarche en calculant combien de jours de travail supplémentaires (et donc taxés fiscalement au zénith, et socialement de manière très variable selon chaque situation) vous auraient été nécessaires pour gagner autant qu’en défiscalisant. Sans oublier de chiffrer aussi le temps contraignant que vous aurez à consacrer à la réalisation pratique de votre défiscalisation.

Deux exemples concrets :
● Un médecin généraliste remplaçant libéral, célibataire sans enfant, réalisant 40 000 euros de BNC sans autre revenu imposable et acquérant 2 160 euros de chèques-vacances dans l’année, bénéficiera d’un gain fiscal réel de 558 euros, soit un équivalent de près de trois jours supplémentaires de travail. Gain modeste mais bon à prendre.
● Un médecin libéral installé, célibataire sans enfant, réalisant 95 000 euros de BNC en secteur 1 sans autre revenu imposable et utilisant 2 540 euros de CESU dans l’année, bénéficiera d’un gain de 392 euros, soit un équivalent réel de deux jours supplémentaires de travail. Ces deux exemples simples montrent au passage que le médecin le plus aisé économise paradoxalement le moins…

Notre conseil – Ces trois repères rappelés devraient vous inciter à ne pas vous précipiter sans calcul minutieux ou sans orientation réellement indépendante, vers tous les produits de défiscalisation existants. Dont par exemple les différents contrats de type Madelin et leurs pièges archi-classiques de leurs parts non déductibles (passés sous silence par les promoteurs de ces produits).

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Source : Le Quotidien du Médecin