« J'irai jusqu'au bout dans la fronde tarifaire même si la Cpam menace de me sanctionner », témoigne ce mercredi au « Quotidien » le Dr Stéphane Decool, généraliste à Valenciennes. Depuis le mois de mai, le médecin facture ses consultations à 30 euros (au lieu de 25 euros pour le tarif de base) en utilisant un dépassement d'honoraire exceptionnel (DE), synonyme à ses yeux de reconnaissance du métier. « Je ne fais pas cela pour mettre cinq euros de plus dans mes poches, se défend le Dr Decool. Mais pour défendre l'attractivité de mon métier et la qualité des soins pour les patients ».
Dans le secteur de Valenciennes, quelque 90 généralistes seraient entrés dans la contestation tarifaire. Localement, ces frondeurs tendent à se regrouper en collectif, à l'instar des coordinations médicales du début des années 2000. Depuis l'échec des négociations conventionnelles – et le règlement arbitral a minima –, de plus en plus de généralistes sont engagés dans ce mouvement de protestation tarifaire et utilisent l'arme du DE, qui correspond normalement à une exigence particulière du patient.
De possibles sanctions
Face à cette grogne tarifaire, l'Assurance-maladie a commencé à monter au créneau pour sévir ponctuellement. Depuis la mi-août, certaines caisses primaires adressent ainsi aux frondeurs des lettres d'avertissement avant de possibles sanctions.
« Le Quotidien » a pu consulter ce type de courrier adressé à une généraliste de Versailles par la caisse des Yvelines. La missive rappelle en premier lieu que « les médecins adhérant à la convention s'engagent à respecter les tarifs qui y sont fixés ». Puis, la lettre explique qu'une étude de la pratique tarifaire du médecin révèle un recours aux dépassements d'honoraires « de manière discrétionnaire », qu'il s'agisse des DE mais aussi des dépassements d'honoraires autorisés (DA) et des dépassements sans motif.
Le même courrier invite ensuite la généraliste à faire part « des éléments » qui pourraient justifier sa pratique ou à modifier ses habitudes de facturation, afin de retrouver un usage « strictement exceptionnel ». La généraliste est informée « qu'un suivi attentif de sa facturation sera réalisé »…
« Je prends le risque d'être déconventionné »
« La non-conformité aux dispositions de la convention est susceptible d’enclencher l'une des mesures prévues à l'annexe 24 », peut-on y lire. Cette procédure de sanction est effectivement prévue dans la convention médicale de façon graduée – pouvant aller d'un avertissement par lettre recommandée à une convocation contradictoire et jusqu'au déconventionnement dans les cas extrêmes et répétés.
Une pression qui n'effraie guère le Dr Decool. « Je vais recevoir cette lettre, dit-il. Mais je prends ce risque, y compris d'être déconventionné. Mais à la fin, ce sont encore les patients qui seront pénalisés ».
Combien de médecins sont-ils concernés par ces courriers d'avertissement préalable ? Interrogée par « Le Quotidien », la Cnam n'a pas été en mesure d'apporter de précisions à ce stade. Le bras de fer pourrait se prolonger. Une coordination nationale a déjà été (re)créée sous le nom de Comeli (Collectif pour une médecine libre et indépendante) rassemblant déjà 30 collectifs départementaux.
Le 19 août, ce Comeli a déploré les « menaces » de l'Assurance-maladie. « Ce rappel à la loi n'aura eu pour effet que de renforcer notre motivation à continuer notre mobilisation », peut-on lire. La coordination attend de la Sécu « qu'elle œuvre en toute indépendance et neutralité pour l'équilibre du système de santé ».
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