Au procès Mediator, Xavier Bertrand pointe la « responsabilité première » de Servier

« Le premier responsable, c'est Servier ». C'est avec ces mots que s'est exprimé jeudi à Paris l'ex-ministre de la Santé Xavier Bertrand au procès de l'affaire Mediator, dénonçant « une volonté de dissimulation » et les « manœuvres » du groupe pharmaceutique, ayant conduit selon lui à ce scandale sanitaire. 

Xavier Bertrand (ex-LR) est arrivé depuis deux jours au ministère de la Santé, en novembre 2010, quand le scandale éclate. La « priorité », c'est alors d'informer les patients, affirme l'actuel président de la région des Hauts-de-France. 

Pour « faire toute la lumière sur le drame », le ministre diligente l'Inspection générale des affaires sociales (Igas). Le rapport d'inspection, remis en janvier 2011, est accablant pour le laboratoire - qui le jugeant "partial" a voulu l'écarter des débats -, mais aussi pour le système du médicament, qui a « failli » gravement, souligne Xavier Bertrand. 

Une série de mesures seront prises pour réformer le système du médicament, visant à une plus grande transparence entre experts et laboratoires. L'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Afssaps) est rayée de la carte et remplacée en 2012 par l'ANSM, également sur le banc des prévenus (Les grandes dates du Mediator ici en infographie). 

Ambiance tendue entre l'ex-ministre et les avocats des labos

Passée cette présentation policée, le ton monte vite entre l'ex-ministre et les avocats des laboratoires, qui l'ont cité comme témoin. Piques et traits d'ironie fusent dans une ambiance parfois houleuse. 

Le groupe pharmaceutique reproche à Xavier Bertrand d'anciens propos qualifiés d' « accusatoires » sur la « responsabilité première et directe » des laboratoires. Le témoin les « assume » et les répète : « Qui a produit le Mediator ? Qui par ses manœuvres a empêché d'y voir clair ? Le premier responsable, c'est Servier », a-t-il martelé. 

Il évoque notamment « l'attitude » du groupe, qui avait de son propre chef retiré le Mediator en Espagne et en Italie, en 2003 et 2004, parce qu'il ne voulait pas selon lui « qu'une quelconque comparaison soit faite avec deux autres médicaments, deux coupe-faim », l'Isoméride et le Ponderal, retirés en 1997 en raison de leur toxicité. 

« Il y a une volonté de dissimulation de certains faits », tonne Xavier Bertrand. « Je ne suis pas juge, je suis témoin », précise-t-il, coupé par l'un des avocats du groupe Servier, François de Castro : « Vous êtes accusateur ! ». 

« Vous avez toujours stigmatisé les laboratoires Servier, vous portez atteinte à la présomption d'innocence ! », enchaîne avec véhémence Me Hervé Temime, autre défenseur de la firme. « Mais si tel est le cas, pourquoi aucune action (en diffamation, ndlr) n'a été engagée à mon encontre », rétorque Xavier Bertrand, pivotant vers la défense.

Manque de compassion envers les victimes

Plus tôt, il taclait l'incapacité du groupe à « assumer ses responsabilités » envers les victimes. « La compassion était un mot qui leur était totalement étranger », attaque Xavier Bertrand. Il cite les propos tenus par Jacques Servier en janvier 2011 lors des vœux de l'entreprise, peu après la révélation du scandale : « Mediator, c'est trois morts ». Le tout-puissant fondateur et patron des laboratoires décédera en 2014. 

« Dès le début, j'avais le sentiment qu'on allait se faire balader par Servier », y compris au sujet de l'indemnisation des victimes, affirme l'ex-ministre. 

Les laboratoires Servier sont notamment jugés pour « tromperie aggravée » et « homicides et blessures involontaires », une dernière qualification également retenue contre l'Agence du médicament, poursuivie pour avoir tardé à suspendre le Mediator. Douze personnes morales, dont des anciens experts, comparaissent également jusqu'à fin avril.  

(Avec AFP)